Ramsès II

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Ramsès II
Image illustrative de l’article Ramsès II
Statue de Ramsès II assis, coiffé du khépresh. La reine Néfertari à sa droite, un fils à sa gauche. Diorite, H. 194 cm.
Musée égyptologique de Turin[1].
Naissance v. 1304/01 avant l'ère commune[2]
Décès v. 1213 AEC (à 88/91 ans)[2]
Période Nouvel Empire
Dynastie XIXe dynastie
Fonction Pharaon d'Égypte
Prédécesseur Séthi Ier
Dates de fonction v. 1279 à 1213 AEC (66 ans et deux mois)[2],[note 1]
Successeur Mérenptah
Famille
Grand-père paternel Ramsès Ier
Grand-mère paternelle Satrê
Grand-père maternel Raïa
Grand-mère maternelle (...)ouia
Père Séthi Ier
Mère Mouttouya
Conjoint Néfertari
(Grande épouse royale)
Enfant(s) Amonherkhépeshef (Amonherouenemef)
Parêherouenemef (Rêherounemef)
Méryrê
Mériatoum (ou Méry-Atoum)
Mérytamon
Hénouttaouy
Deuxième conjoint Iset-Nofret Ire
(Grande épouse royale)
Enfants avec le 2e conjoint Ramessou
Khâemouaset
Mérenptah
Bentanat (ou Bint-Anath)
Troisième conjoint Néfertari (reine secondaire)
Enfants avec le 3e conjoint Séthi
Quatrième conjoint Bentanat Ire
(Grande épouse royale)
Enfants avec le 4e conjoint Bentanat II ?
Cinquième conjoint Mérytamon
(Grande épouse royale)
Sixième conjoint Nebettaouy
(Grande épouse royale)
Septième conjoint Hénouttaouy
(Grande épouse royale)
Huitième conjoint Hénoutmirê
(Grande épouse royale)
Neuvième conjoint Maâthornéferourê
Enfants avec le 9e conjoint Néférourê[3]
Dixième conjoint nombreuses épouses secondaires et diplomatiques, et concubines
Enfants avec le 10e conjoint près de quatre-vingt dix enfants supplémentaires (voir Enfants de Ramsès II), dont Takhat Ire (probable épouse de Mérenptah)
Fratrie Tia
Sépulture
Type Tombeau
Emplacement Vallée des Rois, tombe KV7
(Momie transférée dans KV17 puis dans la tombe de la reine Inhapy à Deir el-Bahari (TT 320), découverte en 1881)
Date de découverte 1737
Découvreur Richard Pococke
Fouilles 1737/1738 : Richard Pococke
1825 : James Burton
1844/1845 : Karl Richard Lepsius
1913/1914 : Harry Burton
1938 : Charles Maystre
1993/2002 : Christian Leblanc
Objets Sculptures, Vaisselle

Ramsès II[note 2], né aux alentours de 1304 / 1301 avant l'ère commune[2] et mort à Pi-Ramsès vers 1213 avant l'ère commune[2],[note 3], est le troisième pharaon de la XIXe dynastie égyptienne, au Nouvel Empire. Il est aussi appelé Ramsès le Grand ou encore Ozymandias. Manéthon l'appelle Ramsès (ou Ramesses Miamoun, Rampses).

Son règne de soixante-six ans et d'un peu plus de deux mois[2], une durée exceptionnelle pour l'époque, couvre à lui seul près de 60 % du nombre d'années total de la XIXe dynastie. En plus des nombreux monuments qu'il fait bâtir à travers tout le pays (d'où son surnom de « pharaon bâtisseur »), il fait sculpter de très nombreuses statues à son image et fait graver son nom sur presque tous les temples, à côté de ceux d'autres pharaons, comme s'il les avait fait construire lui-même[4]. Cette quantité extraordinaire d'objets d'art et d'éléments architecturaux à son nom explique que l'on retrouve sa trace dans presque tous les musées du monde ayant un département d'antiquités égyptiennes.

À l'instar d'autres personnages historiques dont la gloire a traversé les siècles, il est réputé pour être un grand guerrier et conquérant, ce qui lui vaut en grande partie l'épithète de grand dans les ouvrages historiques traitant de l'Antiquité égyptienne. Il lutte contre les Hittites et assure la domination de l'Égypte sur la Nubie et ses gisements aurifères. Il y construit une série de temples dont les plus célèbres sont ceux d'Abou Simbel. Après la bataille de Qadesh, en l'an 4 de son règne, contre l'armée de l'empereur des Hittites, Muwatalli II, la frontière se stabilise sur l'Oronte.

Son action dans le royaume de Koush, et surtout dans le couloir syro-canaanéen, a dû marquer les esprits de l'époque, car l'on racontait encore sous les Ptolémées la légende de l'extraordinaire voyage de « la princesse de Bakhtan » venue s'offrir en mariage au grand roi d'Égypte : sans doute un écho lointain du fameux mariage de Ramsès II avec la fille de Hattusili III, successeur de Muwatalli II sur le trône du Hatti.

Ramsès II est souvent considéré comme le pharaon opposé à Moïse du Livre de l'Exode, du moins pour ceux qui considèrent les événements de ce récit comme historiques, bien qu'il n'existe aucune preuve pouvant l'attester et que son nom ne figure nulle part dans la Torah.

Généalogie[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Ramsès II est originaire d'une famille de militaires de la région d'Avaris. En effet, son arrière-grand-père Séthi, son grand-père paternel Pa-Râmessou, son père Séthi et son grand-père maternel Raïa étaient tous des militaires, de même qu'il est probable que sa grand-mère paternelle Satrê proviennent elle-aussi d'une famille de militaires[5],[6]. Toutefois, à la mort d'Horemheb, lui aussi militaire avant de devenir pharaon, c'est Pa-Râmessou qui lui succède et devient le pharaon Ramsès Ier pour au maximum deux ans. C'est ensuite le père de Ramsès II, Séthi Ier, qui devient roi pour une dizaine d'année. La stèle de l'an 400 évoque les ancêtres de Ramsès II[7] tandis que ses grands-parents maternels, Raïa et [...]ouia[note 4], sont évoqués sur un bloc trouvé à Médinet Habou mais provenant probablement de la partie du Ramesséum dédiée à la mère de Ramsès II, Mouttouya[8].

Fratrie[modifier | modifier le code]

Ramsès II, né sous le règne d'Horemheb, est donc le fils cadet du roi Séthi Ier et de la reine Mouttouya (ou Touy, ou Touya). Il a en effet une sœur nommée Tia, « Chanteuse d'Hathor », « Chanteuse de Rê d'Héliopolis » et « Chanteuse d'Amon-grand-dans-sa-gloire ». Cette Tia est par ailleurs mariée à un homme nommé lui aussi Tia, « Gardien du Trésor » et « Gardien du château d'Amon »[9]. Ils devaient être par ailleurs déjà mariés et parents lorsque Séthi Ier monta sur le trône[10].

Certains chercheurs ont supposé que Séthi Ier et Mouttouya avait eu un autre fils, plus âgé que Ramsès II, nommé Nébenkhâsetnébet ou Amenméfernébef, sur la base d'une scène sur la paroi extérieure du mur nord de la grande salle hypostyle du temple d'Amon à Karnak dont l'un des personnages a été remplacé par Ramsès II. Il s'est avéré qu'aucun fils aîné n'avait été figuré à l'origine mais qu'il s'agissait du commandant des troupes et flabellifère Méhy[10]. Enfin, Hénoutmirê, fille royale et grande épouse royale de Ramsès II en l'an 54, soit bien après la mort de ses deux principales grandes épouses royales, Néfertari et Iset-Nofret Ire, a été considérée par certains comme la fille de Séthi Ier et l'épouse de son frère. Elle est en fait la fille de Ramsès II et a donc épousé son père comme d'autres filles de ce dernier[11].

Épouses et descendance[modifier | modifier le code]

Ramsès II, au cours de son très long règne, a eu plusieurs grandes épouses royales, épouses secondaires, épouses diplomatiques et concubines qui lui ont donné plus d'une centaine d'enfants (plus de cinquante-quatre filles[12] et au moins quarante-sept fils[13]). Ses deux grandes épouses royales du début du règne sont :

Certains chercheurs ont fait du neuvième fils Séthi et des deuxième, troisième et cinquième filles Baketmout, Néfertari II et Nebettaouy les enfants de Néfertari, mais rien n'indique qu'ils soient les enfants de cette reine car ils ne sont jamais représentés dans la liste des enfants du couple à Abou Simbel[15], particulièrement concernant Séthi dont la mère s'appelait bien Néfertari mais qui devait être une épouse secondaire du roi[18]. De part l'homonymie, il est possible que Néfertari II soit la fille de cette épouse secondaire, mais cela n'est pas certain.

De même, la sixième fille de Ramsès II, Iset-Nofret, a parfois été considérée comme la fille de la reine Iset-Nofret Ire, mais rien ne vient confirmer une telle hypothèse si ce n'est l'homonymie de ces deux femmes[19]. De plus, elle a parfois été considérée comme identique à la grande épouse royale de Mérenptah, Iset-Nofret II, mais cette hypothèse est très fragile car aucun document mentionnant cette reine ne lui donne le titre de « fille du roi », titre pourtant très important[20].

Ramsès II épouse également cinq de ses filles qui sont alors titrées grandes épouses royales, mais il n'a eu aucun enfant avec elles[21] :

  • Bentanat (ou Bint-Anath), la fille aînée du roi (certains ont donné à Bentanat une fille qu'elle aurait eu avec son propre père, fille qui serait également nommée Bentanat II, mais rien ne vient confirmer non seulement qu'elle se nomme Bentanat et qu'il s'agit de sa fille[22]),
  • Mérytamon (appelée aussi la reine blanche), la quatrième fille du roi,
  • Nebettaouy, la cinquième fille du roi,
  • Hénouttaouy, la septième fille du roi,
  • Hénoutmirê, une fille un peu plus tardive.

Ramsès II a également eu quatre épouses diplomatiques, dont les deux premières, épousées avant l'an 34, sont des princesses de Babylone et de Zoulabi en Syrie ; le sort de ces épouses n'était toutefois pas enviable selon une lettre de la reine hittite Puduhepa, épouse de l'empereur hittite Hattusili III, et leurs noms sont même inconnus[23]. Il n'en va pas de même avec la princesse hittite Maâthornéferourê, fille de Hattusili III et épousée en l'an 34 du règne[23]. Ramsès II aurait peut-être eu avec cette reine une fille nommée Néférourê[3]. À une date indéterminée, Ramsès II épousa une seconde princesse hittite mais dont le nom n'a pas été conservé[24]. Ce dernier mariage est commémoré par deux stèles, trouvées l'une à Coptos et l'autre à Abydos.

Prince égyptien[modifier | modifier le code]

Ramsès II est né sous le règne du roi Horemheb, donc avant que sa famille n'accède à la royauté. Son grand-père Ramsès Ier est devenu roi lorsqu'il avait une dizaine d'années[25]. Ramsès II est par ailleurs mentionné ou, plus souvent, représenté à plusieurs reprises avec la mèche de l'enfance pendant le règne de son père Séthi Ier :

  • sur une stèle datée de l'an 9 de Séthi Ier (soit probablement la dernière année de règne de ce roi) et décrivant la commande par le roi d'obélisques et de colossales statues en granite, il est indiqué que le travail s'est déroulé sous la supervision du prince Ramsès ; il est d'ailleurs très probable que ces obélisques et statues soient ceux au nom de Ramsès II installés à l'avant du temple de Louxor au tout début de son règne ; l'un de ces obélisques est celui aujourd'hui installé place de la Concorde à Paris[26],[27] ;
  • sur l'îlot Hassawanarti jouxtant l'île Éléphantine, sous une représentation de son père offrant à Khnoum, Ramsès II est représenté sur un graffito en flabellifère et la légende indique « le flabellifère à la droite du roi, le grand responsable de la troupe dans tous les monuments, le scribe royal véritable, son aimé, le prince héritier et fils royal Ramsès » ; Séthi Ier a fait rénover et construire dans les sancturaires d'Éléphantine, ce graffito renvoit probablement à certaines responsabilités que devait avoir le prince pendant ces travaux[28],[29] ;
  • dans le temple de Séthi Ier à Abydos, dans le « couloir des rois » (où se trouve la table d'Abydos répertoriant soixante-douze rois ayant régné jusqu'à Séthi Ier), Ramsès est représenté avec son père Séthi quatre fois (deux fois sur chaque mur) ; l'une de ces figurations montre le prince avec une peau de panthère, accompagné de ses cartouches, signifiant que ce relief a été achevé ou modifié après que Ramsès II soit monté sur le trône[25],[30] ;
  • sur la paroi extérieure du mur nord de la grande salle hypostyle du temple d'Amon à Karnak, le roi a faits modifier des représentations des campagnes du début du règne, l'une au Proche-Orient, la seconde contre les Tjéhénou (c'est à dire les Libyens), pour y faire apparaître son fils à la place d'autres personnages, dont l'un a parfois été pris comme un frère aîné de Ramsès, hypothèse aujourd'hui abandonné, le personnage précédemment représenté étant le commandant des archers et flabellifère Méhy[31] ;
  • une stèle privée découverte à Saqqarah montre les figures des scribes Tia (gendre de Séthi Ier) et son père supposé Amonouahsou honorant tous deux la figure divinisée de Séthi Ier, avec derrière ce dernier, le prince Ramsès figuré en flabellifère et accompagné de la légende « le fils royal de son ventre, son aimé, Ramsès »[25],[30] ;
  • une autre stèle privée, provenant d'Abydos cette fois-ci, a été commanditée par Mâya, « scribe des offrandes divines d'Osiris, d'Horus, d'Isis et de tous les dieux du temple de Menmaâtrê » ; sur le cintre de la stèle sont représentés, en plus des divinités locales, Séthi Ier et Ramsès, ce dernier représenté en flebellifère et accompagné de la légende « le premier fils royal de son ventre Ramsès »[25],[30].

Il semble que le prince Ramsès, s'il était peut-être trop jeune pour intervenir lors des actions militaires au Proche-Orient ou en Libye au tout début du règne de son père Séthi Ier, comme semble le montrer la modification des scènes militaires de Karnak, il a toutefois participé à l'expédition à Assouan pour récupérer du granit, expédition ayant eu lieu à la toute fin du règne de Séthi, le fruit du travail réalisé ayant par ailleurs été récupéré par Ramsès II au tout début de son règne[32].

Règne[modifier | modifier le code]

Ramsès II couronné par les dieux Seth et Horus - Abou Simbel

Durée de règne[modifier | modifier le code]

Ramsès II est monté sur le trône le 27e jour du IIIe mois de la saison Chémou, au lendemain de la mort de son père[33],[34],[35]. Aucun document n'atteste formellement que Ramsès II soit monté sur le trône ce jour-là, toutefois, plusieurs documents originaires de Deir el-Médineh mis ensemble permettent de le déduire :

  • près de huit documents, dont les dates vont de l'an 40 de Ramsès II à l'an 2 de Ramsès VI, font de ce 27e jour du IIIe mois de la saison Chémou un jour férié sans donner de justification particulière[34] ;
  • le Journal de la Nécropole indique qu'en l'an 3 de Ramsès X, un jour de congé est accordé ce jour-là en raison de « l'appartion du roi Ousermaâtrê [...] » : un roi est donc monté sur le trône ce jour-là, mais, lors du règne de Ramsès X, plusieurs rois avaient déjà porté ce nom d'Ousermaâtrê[34] ;
  • le Journal de la Nécropole (ostracon 25533) indique également, en l'an 3 du règne de Ramsès IV, que ce jour-là est férié en raison de « [...] Ousermaâtrê-Sétepenrê » : ce nom Ousermaâtrê-Sétepenrê ne peut correspondre qu'au roi Ramsès II[34].

Si un document originaire de Kôm Médinet Ghourob mentionne successivement les dates de 18e jour du Ier mois de la saison Akhet de l'an 67 et le 19e jour du IIe mois de la saison Akhet de l'an I, permettant de s'assurer de la mort du roi entre ces deux dates, une analyse des documents datés du règne de Mérenptah a permis de réduire la plage de l'avènement de ce dernier du 5e au 13e jour du IIe mois de la saison Akhet, signifiant que Ramsès II est décédé entre le 4e et le 12e jour[2].

Ces éléments permettent de conclure que le roi a régné soixante-six ans et quatre-vingt-un jours, ce qui est proche par ailleurs aux soixante-six ans et deux mois donnés par Manéthon[2].

Avènement du roi[modifier | modifier le code]

Ramsès succède à son père Séthi Ier apparemment sans problème particulier. Il pourrait avoir été associé au trône (régent ou corégent) vers l'âge de quatorze ans à la fin du règne de ce dernier, selon l'interprétation que l'on fait de l'inscription dédicatoire d'Abydos[36] mais ceci est réfuté par la plupart des chercheurs[37],[30].

Lorsqu'il monte sur le trône, il hérite d'une situation intérieure et internationale bien plus favorable qu'aux débuts de la XIXe dynastie. Les actions de son grand-père Ramsès Ier et de son père Séthi Ier, tous deux brillants généraux et chefs d'armée, ont eu pour résultats de restaurer la puissance de l'Égypte et d'éloigner durablement toute menace sur le double pays.

Cependant cette politique de conquêtes et d'expansion se heurte depuis plusieurs décennies à un adversaire de taille, l'empire Hittite, qui contrôle un vaste territoire depuis l'Anatolie jusqu'à l'Euphrate, assurant une domination sur des cités-États de Syrie et du Liban.

Ces riches cités portuaires et commerciales sont l'objet de toutes les convoitises, et vont se retrouver une fois de plus au milieu d'une guerre entre Égyptiens et Hittites.

La guerre et la paix avec les Hittites[modifier | modifier le code]

Les empires égyptien et hittite à l'époque de Ramsès II

Comme son père Séthi Ier, Ramsès veut protéger les intérêts de l'Égypte à l'Est contre les Hittites d'Asie. Il est confronté à cette menace dès le début de son règne.

Face à cette situation, Ramsès met sur pied une puissante armée et établit son camp de base à Pi-Ramsès, qu'il transforme en capitale de son empire. De nouveaux arsenaux y sont construits, ainsi que de grandes écuries pouvant accueillir les centaines de chevaux nécessaires au fleuron de son armée : les chars de guerre. Les vestiges de ces écuries ont récemment été identifiés à Qantir par une équipe d'égyptologues autrichiens dirigée par Manfred Bietak.

Une fois les questions d'approvisionnement réglées, il lance plusieurs campagnes vigoureuses en Canaan. Il avance jusqu'à la ville de Qadesh, qu'il attaque lors de sa 5e année de règne, mais il n'y remporte qu'une semi-victoire.

La bataille de Qadesh[modifier | modifier le code]

La bague aux chevaux : bague en or au nom de Ramsès II représentant ses deux chevaux qui le menaient à la bataille et le sauvèrent - Musée du Louvre[38].

Quittant l'Égypte par les Chemins d'Horus, une voie jalonnée de forteresses protégeant la frontière orientale du pays, l'armée de Ramsès longe la côte méditerranéenne, fait halte à Gaza, traverse Canaan puis pénètre au Liban, s'assurant au passage l'allégeance de ses vassaux dont Byblos était toujours l'indéfectible allié. Puis Ramsès et ses troupes s'enfoncent dans les terres et prennent la direction de Damas afin de prendre le chemin menant à Qadesh.

De leur côté, Les Hittites ont rassemblé une puissante armée de coalisés et se sont rassemblés dans la plaine de Qadesh. Ils y installant leur camp et attendent l'arrivée de l'ennemi. Ils envoient des éclaireurs, qui sont interceptés par les Égyptiens et ramenés au camp de Ramsès. Ils informent le roi que les troupes de Muwatalli II se trouvent au nord et n'osent pas s'avancer vers Qadesh, par crainte d'une confrontation avec les troupes égyptiennes.

Conforté dans son avance et impatient de reprendre la citadelle autrefois conquise par son père, Ramsès saisit sa chance et ordonne que l'armée se dirige à marche forcée vers la forteresse convoitée.

Convaincu que les assiégés ne pourront tenir longtemps face à sa puissante armée, il prend le risque de se détacher du gros de ses troupes. Le long cortège de soldats, répartis en quatre corps d'armée, s'étire alors sur la route. En tête de ses troupes, Ramsès et la division d'Amon traversent l'Oronte et sont les premiers à arriver sur le site.

La ruse hittite a fonctionné : l'armée de Ramsès offre dangereusement l'occasion que Muwatalli II et ses généraux attendaient pour anéantir les désirs de conquête des égyptiens. Une victoire écrasante, et dans l'idéal la capture du pharaon, déstabiliserait toute la région à leur profit, et la conquête de l'Égypte ainsi affaiblie serait à portée de main.

Les troupes égyptiennes sont coupées en deux par la charge de l'armée hittite, et Ramsès se retrouve seul face au danger. La division de Rê qui franchissait le fleuve est taillée en pièces par les chars hittites. Ceux-ci se retournent vers la division d'Amon et le camp de Ramsès, à peine installés au pied de la citadelle, déjà attaqués de leur côté par les fantassins de Muwatalli II. Le camp égyptien est envahi et les troupes de pharaon battent en retraite. Ramsès et sa garde rapprochée se jettent dans la mêlée et il envoie aux divisions de Ptah et de Seth restées en arrière des appels urgents, leur intimant l'ordre d'entrer dans la bataille.

Grâce à l'intervention conjointe des réservistes, les « Néarins », et de la marche forcée des contingents restés plus en arrière, Ramsès parvient à repousser l'attaque et à chasser les troupes de Muwatalli II au-delà de l'Oronte, causant de lourdes pertes aux Hittites. Cependant, au contraire de son père et de son illustre prédécesseur Thoutmôsis III, Ramsès, dont les troupes sont affaiblies au lendemain de la bataille, ne s'empare pas de la citadelle et Qadesh reste aux mains des Hittites.

Ce haut fait d'armes – dont nous possédons plusieurs versions en égyptien ancien, sur papyrus (le poème de Pentaour), mais surtout sur les grands tableaux historiés qu'il fait sculpter sur les murs des principaux temples du pays (Louxor, Karnak, Ramesséum, Abou Simbel...) – est considéré par le roi comme une grande victoire. Il l'offre à Amon qui l'aurait secouru en plein désarroi et abandon au milieu du péril. Cette épopée de Ramsès II a servi à légitimer son règne, et les premiers égyptologues ne remettent pas en cause sa victoire[39].

Les Hittites se déclarent eux aussi vainqueurs, l'issue de la bataille ayant davantage l'aspect d'un match nul que d'une débandade. Ramsès ne pousse pas plus loin cet avantage, et préfère renforcer ses positions.

La conquête de Moab et d'Edom[modifier | modifier le code]

Soldats égyptiens et fils de Ramsès II lors du siège de Dapour.

À l'issue de la bataille de Qadesh, un statu quo s'installe entre l'empire hittite et l'Égypte, et la diplomatie reprend entre les deux rivaux. Cependant la situation ne semble pas à l'avantage des Hittites qui ne cherchent pas à engager un nouveau conflit direct avec Ramsès.

Les Égyptiens doivent de leur côté faire face à de nouvelles difficultés au sein de leurs possessions en Canaan, où les royaumes d'Édom et de Moab se soulèvent, probablement encouragés par l'affaiblissement momentané de l'Égypte. En effet, la bataille de Qadech a porté un sérieux coup à la puissante armée égyptienne, et en tout cas au crédit du pharaon sur la région.

Il est possible en outre que l'or hittite ait financé les désirs d'autonomie locale des deux royaumes. Ces troubles permettent en tout cas d'éloigner les ambitions de Ramsès des terres hittites[40].

La réaction de Ramsès à l'encontre des insurgés est aussi rapide que décisive. La 7e année de son règne, il confie une partie de son armée à son fils aîné, Amonherkhépeshef, qui traverse le Néguev et contourne la mer Morte par le sud, pour se diriger droit sur Édom et remonter sur Moab. Il met le siège devant la cité de Rabath Batora qu'il conquiert et où il installe son camp de base.

De son côté, Ramsès qui a quitté la capitale de Pi-Ramsès avec l'autre partie de son armée au même moment que son fils, longe la côte en s'assurant du contrôle de Gaza et d'Ashkelon. Puis, bifurquant vers Jérusalem, il marche sur Jéricho et, contournant la mer Morte par le nord, pénètre en Moab. Il dépasse le mont Nébo, conquiert la cité de Dibon et fait sa jonction avec l'armée de son fils restée à Rabath Batora.

Grâce à cette prise en tenaille, la conquête est rapide et le pharaon soumet les princes locaux qui lui font allégeance. Ramsès laisse des garnisons dans les cités prises, chargées d'organiser le contrôle de la région et de surveiller les mouvements des nombreuses populations nomades qui circulent alors. Parmi celles-ci on compte les bédouins Shasou, vassaux des Hittites, et les Apirou qui opèrent de fréquentes incursions dans les territoires contrôlés par l'Égypte.

Une fois assuré de ses arrières et de son ravitaillement, Ramsès peut alors reprendre la route de la Syrie pour reprendre les territoires perdus et abandonnés aux Hittites lors de la bataille de Qadesh. Pharaon, son fils et leur armée rassemblée remontent vers le mont Nébo et prennent Heshbon en Ammon. Enfin ils marchent sur Damas, l'antique Temesq, où le roi fonde une nouvelle cité à son nom : Pi-Ramsès de la vallée des Cèdres[41].

Une fois le contrôle assuré de l'ensemble de cette partie de la Jordanie et de la Syrie actuelles, les troupes égyptiennes se dirigent à nouveau vers l'Oronte et atteignent la ville de Koumidi, qui subit un siège et est également prise.

Grâce à cette tactique de sièges successifs et de mise sous tutelle des terres conquises, Ramsès a repris le contrôle de la situation, au plus proche de ses frontières ainsi que sur toute la zone d'influence égyptienne en Orient. Il s'accorde ainsi un répit qui lui permet de se tourner à nouveau contre les Hittites.

Le siège de Dapour[modifier | modifier le code]

Siège et prise de la citadelle de Dapour par Ramsès II et son armée

À peine trois ans après le conflit qui faillit causer leurs pertes respectives, l'Égypte et le Hatti reprennent les hostilités. Cette fois encore, Ramsès cherche à pousser son avantage et à conquérir du terrain.

L'armée égyptienne reprend la route de la Syrie, contourne Qadesh par l'ouest et met le siège devant Dapour, une autre forteresse contrôlée par les Hittites.

Il semble que Muwatalli II n'ait pas eu la capacité de contrer cette avancée sur son territoire, même si de nombreuses troupes avaient été mises en garnison dans et autour de la citadelle. La bataille s'engage dans la plaine, devant la cité, et les chars hittites font face aux chars égyptiens.

Les Hittites, rapidement débordés, se réfugient dans la forteresse, qui est aussitôt attaquée par les fantassins égyptiens, parmi lesquels on compte plusieurs fils du roi qui mènent le siège.

Des représentations de cette nouvelle bataille ont été gravées en relief sur les murs des temples de Ramsès en Égypte, dont celui de Louxor et celui du Ramesséum. Elles présentent en une unité de scène les différentes étapes de la bataille et du siège, depuis le combat dans la plaine jusqu'à la reddition du prince de Dapour, qui tend un encensoir en signe d'armistice[42]. Dapour est conquise et Ramsès y fait ériger une statue à son effigie. Il y installe également une garnison à demeure.

Cette prise de Dapour représente pour Ramsès une revanche sur la semi-défaite de Qadesh. En tenant cette position plus septentrionale, il montre sa capacité à prendre aux Hittites un point stratégique d'importance qui sépare l'Amourrou de leur emprise.

L'année suivante, pour consolider ses positions, il organise une nouvelle campagne. Il fait défiler les troupes égyptiennes dans les principales cités de la région, prenant au passage Acre.

Tyr, Sidon et Byblos renouvellent leur allégeance et l'armée égyptienne faisant halte à Dapour nouvellement conquise, pénètre encore plus avant en territoire hittite, s'emparant de la cité de Tounip[42].

Les Hittites ne peuvent s'en satisfaire : quelques années plus tard ils reprennent la forteresse de Dapour, obligeant Ramsès à conduire une nouvelle campagne dans la région, lors de la 18e année de son règne. La citadelle est à nouveau assiégée et conquise, et cette victoire sera à nouveau illustrée en relief sur les murs des temples égyptiens.

Le traité de paix égypto-hittite[modifier | modifier le code]

Tablette du traité égypto-hittite conservée au musée archéologique d'Istanbul.

Le conflit entre l'Égypte et le Hatti, à défaut d'épuiser les belligérants, ne permet pas de faire émerger une nette victoire de l'un sur l'autre. C'est au contraire une succession de batailles qui permettent tantôt à l'armée hittite, tantôt à l'armée égyptienne de grignoter du terrain. Mais aucune grande bataille n'est engagée, comme si le risque d'une défaite et d'un affaiblissement décisif de l'un ou l'autre des empires l'emportait sur les ambitions d'élargissement des possessions.

De plus, la situation intérieure de l'empire hittite se dégrade avec la mort de Muwatalli II. Sa succession est difficile avec l'usurpation du trône par Mursili III, fils de l'adversaire de Ramsès. De plus, la montée de la puissance assyrienne représente une menace pour le Hatti, qui cherche dès lors à faire alliance avec ses anciens ennemis, à commencer par Babylone.

Il semble que ce soient les Hittites qui aient pris l'initiative de faire à l'Égypte des propositions de paix et d'alliance[43]. Hittites et Égyptiens s'engagent à ne plus se faire la guerre, à s'aider mutuellement en cas de catastrophe ou d'invasion. Il s'agit sans doute du premier traité de paix connu au monde. Le traité définitif ne sera conclu qu’à la 34e année du règne de Ramsès, quand l’empire adversaire aura changé de maître : Hattusili III, frère de Mouwatalli, qui s’empara du trône en expulsant le fils de l’ancien souverain. Une fois les clauses du traité réglées, elles sont inscrites sur de grandes tablettes en argent massif scellées par Hattusili III et remises par l'ambassadeur du Hatti à Ramsès dans sa capitale du delta du Nil. En échange, Pharaon fait parvenir au roi hittite la version égyptienne marquée du sceau de Ramsès.

Chacune des deux tablettes sera déposée aux pieds des principales divinités des deux empires : Teshub pour le Hatti et pour l'Égypte. La version égyptienne de ce traité est reproduite sur les murs de Karnak. La version hittite, retrouvée à Hattousa, la capitale du royaume hittite (dans l'actuelle Anatolie en Turquie), est écrite en akkadien sur une tablette d'argile conservée au musée archéologique d'Istanbul[note 5].

Ces négociations conduisent les deux souverains à s'envoyer un volumineux courrier ainsi que des cadeaux en grand nombre. À ce ballet épistolaire participent non seulement les souverains, mais aussi les reines et les ministres, tel le vizir Paser. C'est alors qu'est évoqué un possible mariage entre Ramsès II et une fille du roi Hattusili III, acte diplomatique venant sceller définitivement la nouvelle alliance des deux anciens ennemis. Cette pratique est courante et Ramsès a déjà épousé une princesse babylonienne.

Cependant, la négociation du mariage est difficile, en raison des garanties exigées par la femme d'Hattousili, Puduhepa, qui a, semble-t-il, une influence déterminante sur son époux. En particulier, elle exige que ses messagers puissent joindre la princesse sans entrave.

Ce problème réglé, des envoyés égyptiens se rendent à Hattousa, la capitale hittite, pour procéder à l'onction de la princesse, acte qui officialise l'union.

La princesse prend alors la route de l'Égypte avec sa dot[note 6]. Elle rencontre Ramsès II à Pi-Ramsès et, semble-t-il, plaît à son mari. Elle est renommée d'un nom égyptien, Maât-Hor-Néférou-Rê. On ignore si elle eut la moindre influence sur la politique de son mari ; cependant Ramsès fait construire pour elle un palais à Pi-Ramsès. Une fille, Néférourê, naît de cette union, fille dont nous perdons rapidement la trace.

Dans une lettre envoyée par Hattousili à Ramsès II, le roi hittite regrette que sa fille n'ait pas conçu un garçon. La princesse termine probablement sa vie dans le harem du roi à Gourob, dans le Fayoum[note 7]. Sa tombe n'a jamais été retrouvée.

Ramsès II épouse une seconde princesse hittite des années plus tard, mais nous ignorons pratiquement tout du contexte qui préside à cette nouvelle union. Ce fait est cependant révélateur de la normalisation pacifique des rapports entre les deux États.

L'Empire égyptien[modifier | modifier le code]

Le contrôle du territoire égyptien et des territoires soumis est un élément important de la politique pharaonique, cette gestion permettait de contrôler les routes commerciales et d'avoir accès aux mines et aux carrières tout en s'assurant de recevoir des tributs des territoires conquis.

Le Proche-Orient[modifier | modifier le code]

Le Proche-Orient est un agrégat de petites royaumes et de cités soumis à l'influence des deux grands empires de l'époque : le Hatti et l'Égypte. La partie sous influence égyptienne, limitée au nord par l'Amourrou et Qadesh-sur-Oronte, est un territoire contrôlé par des élites locales égyptianisées. Cette emprise égyptienne sur ce territoire se traduit par la construction de monuments, à la fois de nature militaire et économique, dans le but d'une part de contenir la puissance hittite et de maintenir la soumission des populations locales, et d'autre part d'assurer l'approvisionnement de l'Égypte en matières premières et en main d'œuvre. Si, du règne de Séthi Ier, quelques monuments (stèles et installations) ont été découverts, la plupart des artefacts découverts au Proche-Orient est de petite taille, principalement des scarabées[44],[45].

Le Delta oriental et le Nord-Sinaï[modifier | modifier le code]

Depuis la Préhistoire, le Nord-Sinaï est une voie de communication primordiale entre l'Afrique et l'Asie, où hommes et marchandises transitent. De plus, la région est source de matière première également, comme le cuivre. Ainsi, ce territoire a fait l'objet très tôt dans l'histoire égyptienne de toutes les attentions du pouvoir royal. Cela passe, entre autres, par la construction de nombreuses forteresses visant à la fois à être un point de départ pour les expéditions égyptiennes vers cette région et à arrêter les pénétrations venant du Proche-Orient. La région à la point nord-est du delta, passage obligé entre le Nord-Sinaï et la vallée du Nil, a été nommée Tjarou par les Égyptiens et était arrosée par la branche pélusiaque du Nil, aujourd'hui asséchée[46].

Le Nord-Sinaï était constitué de nombreuses forteresses ponctuant le parcours, pourvues d'épaisses enceintes et associées chacune à un puits. Sur les sites fortifiés de Kharrouba (au nord-est d'el-Arich) et de Bir el-Abd (au sud du lac Bardawil), en activité depuis la XVIIIe dynastie, du matériel archéologique datant du règne de son père Séthi Ier a été découvert. À Tell el-Borg, à l'ouest de Tell Héboua, deux enceintes ont été découvertes, dont l'une date de l'époque ramesside[47].

Le site de Tell Héboua, en activité pendant la XIXe dynastie, est quant à lui séparé en deux zones : Tell Héboua I, d'une superficie de 17 hectares, et Tell Héboua II, d'une superficie de 7,5 hectares et aménagé sur une île au sud de Tell Héboua I. Un pseudo-pyramidion en grès rouge, réalisé par Séthi Ier en l'honneur de son père Ramsès Ier et sur lequel Ramsès II a gravé son nom, doit provenir de Tell Héboua I. Le temple de Tell Héboua II, décoré sous le règne d'Amenhotep II, possède un parement extérieur daté de Ramsès II. De plus, les treize entrepôts aménagés à l'est du temple sont accessibles par des portes en pierre gravées au nom de Séthi Ier, les treize entrepôts aménagés à l'ouest du temple sont quant à eux datés de Ramsès II et Séthi II[48].

Le Delta oriental, arrière-garde de Tjarou, est aussi constitué de forteresses pour son rôle stratégique. Sur le site de Tell er-Rabata, une structure fortifiée ramesside y a été érigée. Des blocs ramessides trouvés à Tell el-Maskhouta attestent également d'une intervention royale à cette période. La tombe de Qénamon, « superviseur des archives royales », y a d'ailleurs été découverte et le style permet de dater la tombe de Séthi Ier ou de Ramsès II[49].

Le Delta occidental et le désert occidental[modifier | modifier le code]

Après la campagne contre les Tjéhénou sous le règne de Séthi Ier, le Delta occidental (de la pointe nord-ouest à Memphis) et la région désertique adjacente ont fait l'objet de toutes les attentions royales par la construction de nombreuses forteresses (el-Alamein, el-Gharbaniyat, Tell Abqaˁin, Kôm Firin, Kôm el-Hisn, Karm Abou Girg, Zaouiet Oumm el-Rakham (en)) au début du règne de Ramsès II, et ce, jusqu'à plus de 300 kilomètres à l'ouest du Delta du Nil. Toutefois, si ces forteresses datent du tout début du règne de Ramsès II, il est possible que l'initiative de l'entreprise revienne à Séthi Ier[50].

On trouve ainsi :

  • à el-Alamein : des stèles gravées au nom de Ramsès[51],
  • à el-Gharbaniyat (50 kilomètres à l'est d'el-Alamein) : les fondations de structures en brique crue et un colonne fragmentaire au nom de Ramsès[51],
  • à Tell Abqaˁin : de nombreux fragments de jambages de portes provenant d'une forteresse de plus de 80 mètres sur 80 mètres[51],
  • à Kôm Firin, à la limite occidentale du delta, une enceinte de 220 mètres sur 200 mètres aux murs d'une épaisseur de 5 mètres entoure un ensemble de magasins et un temple en brique et en pierre[51],
  • à Kôm el-Hisn, divers éléments architecturaux au nom du souverain[51],
  • à Karm Abou Girg, un obélisque et des blocs au nom de Ramsès faisant probablement partie d'une fortifications[51],
  • à Zaouiet Oumm el-Rakham (en), une enceinte de 100 mètres sur 80 mètres avec à l'intérieur un temple, des chapelles et deux rangées de magasins oblongs se faisant face ; les inscriptions retrouvées sur place, notamment sur des stèles, portent les noms de gradés militaires du règne ou la titulature de Ramsès II, qualifié de « Celui qui anéantit ceux de Tjéhénou »[51].

La Nubie[modifier | modifier le code]

La Nubie est un territoire qui a été contrôlé à plusieurs reprises au cours de l'histoire égyptienne. C'est une région très importante pour les Égyptiens, notamment pour ses mines d'or, mais aussi pour les produits exotiques qu'elle fournit. La région est divisé en deux zones : Ouaouat, ou Basse-Nubie, s'étendant d'Éléphantine à au-delà la deuxième cataracte, vers Semna, et Koush, ou Haute-Nubie, s'étendant de Senma à la cinquième cataracte. Toutefois, il n'y a pas de monuments de Séthi Ier après le Gebel Barkal, en aval de la quatrième cataracte. L'État égyptien va, au début de la XIXe dynastie, non seulement valoriser les forteresses et les temples précédemment construits, notamment au Moyen Empire et à la XVIIIe dynastie, mais aussi établir ses propres aménagements, dans le but d'intégrer les populations nubiennes à la société égyptienne[52].

Les forteresses nubiennes[modifier | modifier le code]

Les forteresses du Moyen Empire, formant un réseau mis en place sous le règne de Sésostris III, ont été modifiées au cours des règnes de Ramsès Ier, de Séthi Ier et de Ramsès II. Ces modifications concernent principalement les temples et les quartiers réservés aux fonctionnaires : des stèles font figurer des décrets royaux imposant des fonctionnements et des approvisionnements des temples, tandis que des jambages sont gravés aux noms du personnel de la forteresse. Si ces décrets royaux n'ont été trouvés qu'à Bouhen, il est probable que les autres forteresses étaient aussi concernées[53].

En plus des modifications aux forteresses existantes, Séthi Ier a fait construire de nouvelles villes fortifiées et dotées de temples en pierre. Il est possible que la fondation de ces villes soit à dater après la révolte de l'an 8, le roi voulant consolider la position égyptienne dans la région. Ainsi, la ville d'Amara-Ouest, nommée « Per-Menmaâtrê », est fondée au niveau de la troisième cataracte et devient le siège de l'administration du vice-roi de Koush. Le site, couvrant une surface d'environ 20 mètres sur 200 mètres, est renommé « Per-Ramsès-Méryamon » sous le règne de Ramsès II. Le temple de la ville, en grande partie construit par Ramsès II même s'il a été initié sous Séthi Ier, est dédiée à Amon et à la triade d'Éléphantine (Khnoum, Satet et Anouqet)[54],[55]. De même, Séthi Ier avait fondé la ville fortifiée d'Akcha, en aval de la deuxième cataracte, comme en témoignent les blocs à son noms dans le temple et les annexes, même si une très grande partie du travail dans le temple date de son fils Ramsès II, temple dédié d'ailleurs à une forme spécifique d'Amon et au roi Ramsès II lui-même[54].

Ainsi, Ramsès II hérite de son père Séthi Ier d'une situation stable (la population nubienne est calme sous son règne, à l'exception d'une révolte en pays d'Irem au sud de la Haute-Nubie) et d'un programme de fortification ambitieux qu'il mène à son terme. Ce programme de fortification est accompagné également d'un programme de construction de nombreux temples[56],[55].

Les temples nubiens[modifier | modifier le code]
Ramsès II, Abou Simbel

Il organise un véritable programme architectural pour la région immédiatement au sud de la première cataracte, qui est la frontière historique de l'Égypte avec son voisin méridional. Il fonde également une série de sanctuaires, que l'on nomme hémispéos, car en partie creusés dans la roche et en partie construits en maçonnerie, dédiés aux dieux dynastiques et étroitement liés au rôle de l'inondation, mais aussi et surtout liés à la divinisation du roi. Il s'agit des temples suivants[57] :

Le roi est également intervenu sur d'autres sites. À Sésébi, au sud de Soleb, Séthi Ier avait fait reconstruire un temple d'Amenhotep IV. Les noms de Ramsès II y ont également été découverts sur le socle de la barque du temple, tandis qu'une tablette votive dédiée par un général est datée de l'an 65. Le site semble toutefois abandonné par la suite, avant d'être réoccupé à l'époque napatéenne[58],[59]. À Amada-Ouest, les artisans de Ramsès II, tout comme ceux de son père Séthi Ier, ont apporté des modifications au temple dédié à Amon-Rê et à -Horakhty et construit sous le règne de Thoutmôsis III[60]. À Kawa (de), Ramsès II usurpa les cartouches de Toutânkhamon sur deux colonnes de la seconde cour[59]. L'île de Saï a livré plusieurs inscriptions datées de son règne, mentionnant notamment un fonctionnaire du nom d'Hornakht[59].

Au Gebel Barkal, en aval de la quatrième cataracte, un temple avait été aménagé pendant la période thoutmôside, avant que, bien plus tard, les rois de la XXVe dynastie, originaires de la région, n'investissent le site, rendant les restes sur ce temple thoutmôside plus difficiles à comprendre. Ramsès II, à la suite de son père Séthi Ier qui y avait déjà ajouté une salle hypostyle à l'avant du temple, fait construire une chapelle latérale[61],[59].

Enfin, plus sud, par deux fois les noms de Ramsès ont été retrouvés : sur un graffito à Kourgous, en aval de la cinquième cataracte, mais le contexte de son inscription n'est pas clair ; un bloc en granite rose transformé en meule a été retrouvé près de la confluence entre le Nil et l'Atbara, mais il est probable que ce bloc provienne d'un lieu bien plus en aval[62].

L'exploitation des ressources[modifier | modifier le code]

Le roi est présent dans les carrières de granite d'Assouan.

Proche d'Éléphantine se trouvent les carrières de granit d'Assouan, sur la rive est du Nil. Ces carrières, exploitées tout au long de l'histoire égyptienne, l'ont également été pendant le règne de Ramsès II. Ces carrières étaient déjà exploitées pendant le règne de son père, à la toute fin du règne, dans le but d'orner les sanctuaires égyptiens d'obélisques et de statues colossales comme l'atteste deux stèles de l'an 9. Séthi ayant régné à peine dix ans, tandis que les quatre statues royales assises et les obélisques du temple de Louxor ayant été érigés dès le tout début du règne de Ramsès II, il est probable que ces statues et obélisques soient en réalité ceux commandités par Séthi et que Ramsès fit donc achever[63].

L'accès au Ouadi Allaqi et aux mines d'or se faisait par le fort de Kouban depuis le Moyen Empire. Des blocs de grès fragmentaires découverts à Dakka témoignent d'un aménagement datant du règne de Séthi Ier dans cette forteresse. De plus, une stèle provenant de Kouban a probablement été gravée par le fils royal de Koush Amenemopet même si aucun nom n'y figure. Cette stèle indique que l'un des premiers actes effectués sous le règne de Ramsès II est le creusement d'un puits pour facilité l'accès aux mines d'or du Ouadi Allaqi[64],[65].

Des blocs au nom du roi Séthi Ier prouvent que le roi a tenu un rôle dans l'édification d'un monument cultuel probablement incorporé au site fortifié de Djébel Abou Hassa. Localisé au sud de l'isthme de Suez, sur la route menant aux mines de turquoise de Sarabit al-Khadim, ce monument a été remployé par Ramsès II qui en a modifié la décoration[66].

L'exploitation des carrière de grès de Gebel Silsileh a commencé très tôt dans le règne de Ramsès II, comme en atteste une stèle trouvée en 2008 qui parle du sacre du roi et qui indique que les blocs étaient destinés à l'avant cour du temple de Louxor, le Ramesséum et le temple de Ramsès II à Abydos[67]. Le roi est par contre absent de certains sites d'exploitation importants, comme le Ouadi Hammamat[68].

La turquoise a été exploitée au début de la XIXe dynastie à Sarabit al-Khadim. Ainsi, en plus des stèles datées des règnes de Ramsès Ier et de Séthi Ier, certaines sont datées de son règne. Par exemple, sur une stèle datée du tout début de son règne, Ramsès II est représenté faisant offrande à son père tout juste défunt. Une stèle datée de l'an 2 montre Âchahéb(ou)sed, commandant des troupes et messager royal dans les pays étrangers, fonctionnaire qui travaillait à cet endroit-là déjà à la fin du règne de Séthi Ier[69].

Peut-être dans un même mouvement que le lancement de l'exploitation de la turquoise au Sarabit al-Khadim, c'est-à-dire en l'an 8 du règne de Séthi Ier, ce dernier avait lancé une expédition vers les mines de cuivre de Timna dans le Néguev. Le souverain fait alors aménager un temple sur place dédié à Hathor « maîtresse de la turquoise », qui sera reconstruit par Ramsès II. De plus, de nombreux artéfacts datant de ces deux règnes montrent la continuité de l'exploitation du cuivre mais aussi de la turquoise en ce lieu, correspondant d'ailleurs à une industrie à grande échelle pour l'époque[70].

Le bâtisseur[modifier | modifier le code]

La cour de Ramsès II au temple de Louxor

Ramsès II est un grand bâtisseur, qui fait de Pi-Ramsès la « capitale » à l'est du delta du Nil. Il la dote de temples grandioses, d'un grand palais, d'un port et d'arsenaux, créant ainsi un poste avancé pour préparer ses expéditions dans le levant, et pour diriger son immense empire qui s'étend de la quatrième cataracte, en pays de Kouch, jusqu'aux frontières du Hatti et du Mittani sur l'Oronte.

Il achève ainsi de restaurer la grandeur de l'Égypte des Thoutmôsis, perdue à la suite de l'aventure amarnienne. Grâce à une politique défensive efficace — il construit une série de forts à l'ouest du delta dont on a retrouvé les traces récemment —, il offre une période de paix au pays, favorisant ainsi le développement des arts et des métiers.

Il achève la grande salle hypostyle du temple d'Amon-Rê à Karnak. Il ajoute une grande cour à portique au temple d'Amon-Min à Louxor, ainsi qu'un grand pylône précédé de deux obélisques.

Il construit son temple funéraire, le Ramesséum, en face de Louxor, qui comprend deux pylônes précédant deux cours à portiques et une grande salle hypostyle. Diodore de Sicile nous donne une description fidèle de ce monument, qu'il nomme alors le tombeau d'Ozymandias, une forme hellénisée du nom de couronnement de Ramsès : Ouser-Maât-Rê.

Il fait également édifier un temple cénotaphe à Abydos, non loin de celui de son père qu'il achève de décorer. Puisant dans les ruines de l'ancienne capitale d'Amarna, il rebâtit le temple de Thot d'Hermopolis, l'antique Khemenou, en réutilisant notamment les temples et bâtiments du site voisin.

Il construit également à Memphis, agrandissant le grand temple de Ptah avec l'adjonction sur son axe ouest d'une grande salle hypostyle. Celle-ci est précédée d'un pylône devant lequel il dresse des colosses. Il édifie aussi une série de temples et chapelles sur le parvis du sud de l'enceinte, où il élève au moins un grand colosse à son effigie qui gît actuellement sur le dos :

Statue monumentale de Ramsès II, Memphis

De même, il restaure également à Bubaste, où il refait ou décore la salle hypostyle du temple de Bastet. On y a retrouvé récemment un colosse à l'image d'une de ses épouses royales, qui aujourd'hui a été redressé et est visible dans le champ de ruines de la cité antique.

En revanche, il est établi aujourd'hui qu'il fait également enlever, ou plutôt remplacer, le nom de certains de ses prédécesseurs pour mettre le sien à la place quand il restaure leurs monuments. Ce trait particulier lui donne une réputation d'usurpateur, tant nous possédons d'exemples de statues et monuments réinscrits à son nom. Si cette activité paraît quelque peu abusive, il faut rappeler que de nombreux monuments et sanctuaires ont souffert dans les années qui précédent l'avènement de la XIXe dynastie, et nécessitent de ce fait une restauration, voire une reconstruction complète.

On peut voir ce type de « réaménagement » au temple de Louxor, où dans la cour qu'il fait édifier en l'honneur d'Amon-Min, il intercale des colosses entre les colonnes des portiques qui la bordent, certains sculptés sous son règne, d'autres « usurpés » d'Amenhotep III.

En remplissant son rôle de garant de l'équilibre entre les hommes et les dieux, Ramsès se doit de rétablir les cultes et de les doter de biens permettant de les assurer dans tout le pays. C'est l'un de ses fils, Khâemouaset, grand prêtre de Ptah à Memphis et un temps héritier en titre de la Double Couronne, qui est chargé de cette mission. Il parcourt les sites délabrés et inscrit des stèles commémoratives de cet exploit (voir par exemple la restauration de la pyramide d'Ounas de la Ve dynastie, qui comporte sur son revêtement sud un texte encore visible du prince Khâemouaset en l'honneur de son père et de son illustre prédécesseur).

C'est aussi Khâemouaset qui est chargé de l'organisation des grandes fêtes jubilaires de Ramsès II, les fêtes-Sed, jusqu'à ce qu'il soit remplacé dans cette fonction par son frère Mérenptah. À l'occasion de ces jubilés, il fait bâtir un grand parvis à Pi-Ramsès qui comporte au moins six obélisques de grande taille.

Ramsès et les dieux[modifier | modifier le code]

Ramsès II représenté en enfant protégé par le dieu Houroun - Statue trouvée à Tanis autrefois à Pi-Ramsès - Musée du Caire

Ramsès II est aussi un grand théologien, reprenant à son compte l'initiative solaire amorcée par Akhenaton, mais en préservant les cultes traditionnels. Voulant lui aussi développer au travers de sa propre personne une religion transfrontalière permettant de rassembler tous les peuples mis sous sa coupe, il favorise au contraire les temples des grands dieux de l'Empire : Amon, , Ptah, Osiris.

En effet, plutôt que d'effacer leur culte comme le fit à son péril Akhenaton, il les affirme dans leur rôle central dans la vie économique et spirituelle du pays, et instaure le sien propre, de son vivant, s'associant ainsi encore davantage que ses ancêtres aux dieux dynastiques et tout particulièrement au dieu . L'exemple des temples de Nubie est parlant à ce sujet.

Partout il reprend l'initiative en redonnant aux temples et aux cultes des dieux un faste inégalé. Les innombrables fondations à son nom l'attestent et ses successeurs n'eurent qu'à parachever l'entreprise de leur prestigieux aïeul.

Enfin, conscient de l'emprise du dieu Amon-Rê de Thèbes et de son clergé sur le pays, emprise qui menaçait quelque peu le pouvoir royal, raison qui sans nul doute participa au choix de « l'hérétique » Akhenaton en son temps, il use de stratégie en favorisant autant que faire se peut les temples de Ptah à Memphis et de à Héliopolis. En retour, il donne des gages de sa bonne foi aux prêtres de Karnak en effaçant le souvenir de celui qui voulut leur perte, ainsi que de sa descendance.

Cette tendance avait déjà été amorcée par son père Séthi qui se fait représenter dans son temple d'Abydos en compagnie de son fils héritier devant une liste de rois représentant leurs ancêtres sur le trône d'Horus, liste de laquelle sont absents les rois d'Amarna, jusqu'à Horemheb, mais aussi Hatchepsout.

C'est de son temps également que les cultes des grandes villes du delta retrouvèrent leur importance, en instituant également de nouveaux, comme ceux des dieux orientaux tels que Baal, qui sera associé par syncrétisme à Seth, ou encore Astarté, Anta, Reshep, etc.

Ces cultes se retrouveront à cette époque dans toute l'Égypte, de Memphis à Thèbes (Deir el-Médineh), prouvant ainsi un brassage des cultures propre à une période de paix assurée.

Les jubilés du roi[modifier | modifier le code]

Comme tout roi, il était promis à Ramsès II de fêter un million de fêtes-Sed, la première devant normalement se dérouler trente ans après le couronnement. Lors du premier jubilé organisé par le quatrième fils du roi Khâemouaset, le roi, qui avait alors une cinquantaine d'années, affirmait solennellement son aptitude à assurer la stabilité et la prospérité du pays entier[71]. Un scribe a par ailleurs composé un hymne en ce sens :

« [...] le grand Hâpy pour la première fête-Sed [du Roi de Haute et Basse-Égypte] Ousermaâtrê, le Fils de Rê Ramsès-Méryamon, doué de vie (soit-il) ! Il a apporté la coudée, si bien que la digue n'a pas tenu devant elle. Il a atteint les collines, lui qui possède des poissons, qui est riche en oiseaux. Tous ses [...] sont bénéfiques : on mange, tandis que les cœurs sont heureux et que les dieux sont en fêtes. Heureux est le cœur de Kémet durant ton règne. On sacrifie chaque jour sans manquer de rien. Le pays est revenu à sa place. L'Ennéade divine de Haute-Égypte s'est rassemblée pour multiplier tes provisions comme les grains de sable. (...)[71] »

Dans les années qui suivirent, près de douze autres fêtes-Sed ont été organisées, au rythme d'environ une tous les trois ans, dont les quatre premières ont également été organisées par Khâemouaset, en les ans 33/34, 36/37, 40 et 42. C'est à Pi-Ramsès ou à Memphis, probablement dans les deux cités, que les jubilés furent organisés. Toutefois, peu de détails sont connus de ces différents jubilés, bien que certains hauts fonctionnaires (les vizirs du sud Khaÿ et Néferrenpet, le grand intendant du Ramesséum Youpa, et le fils royal Khâemouaset agissant alors comme prêtre-sem de Ptah) laissèrent quelques traces, notamment dans la région d'Assouan, au Gebel Silsileh, à El Kab et à Hermonthis. Ces jubilés ont été commémorés tantôt par l'édification d'une chapelle jubilaire, comme dans l'avant-cour du temple de Ramsès II à Abydos, tantôt par la mise en palce de nouveaux colosses royaux, comme devant le IIe pylône du temple d'Amon-Rê à Karnak, tantôt par l'adjonction de colonnes latérales d'hiéroglyphes à des obélisques déjà dressés, comme ceux de Séthi Ier et de Thoutmôsis III à Héliopolis. Il est possible qu'une série de naoi de Ramsès II trouvés en Basse-Égypte aient été érigés à l'occasion des jubilés royaux : ils montrent, entre autres, une « montée royale », une ou plusieurs courses rituelles du roi, le roi trônant en costume jubilaire et son couronnement par Atoum d'Héliopolis[72].

Divinisation du roi[modifier | modifier le code]

Si, suite à l'épisode amarnien, les prédécesseurs de Ransès II s'étaient employés à restaurer la puissance et la prospérité égyptiennes ainsi que les cultes divins, il s'employa aussi à promouvoir une perception idéalisée de la royauté incarnée en lui[73].

L'ascendance divine du roi[modifier | modifier le code]

Ramsès II n'est pas le premier roi à vouloir insister sur son ascendance divine : en effet, Hatchepsout et Amenhotep III ont déjà fait réaliser des reliefs illustrant des récits et scènes de théogamie, la première dans son temple de Deir el-Bahari, le second dans une salle latérale du temple de Louxor[74]. Ramsès II et ses artisans s'inspirèrent probablement de ces reliefs pour réaliser ceux du roi ramesside. Ainsi, une scène de théogamie entre la mère du roi Mouttouya et le dieu Amon a été réalisé dans la chapelle de la reine jouxtant le Ramesséum, où deux blocs montre la reine assise sur un lit en compagnie du dieu, ce dernier lui donnant le signe de la vie dans la main droite pendant que la reine a placé affectueusement sa paume gauche sous le coude du dieu. Cependant, le texte, très fragmentaire, ne permet pas d'apprécier la totalité de la description de l'union divine[74].

Le texte dit de la Bénédiction de Ptah, daté de l'an 35, remplace le dieu thébain par celui de Memphis et déclare ainsi :

« Je suis ton père, celui qui t'a procréé parmi les dieux et tous tes membres sont issus des dieux. J'ai pris l'apparence de Banebdjed et t'ai éjecté en ta mère vénérable, car je savais que tu serais un protecteur et quelqu'un accomplissant ce qui est bénéfique à mon ka. Je t'ai mis au monde au lever du soleil et t'ai élevé face aux dieux[75]. »

L'un des noms du roi est le nom de Sa-Rê, c'est à dire « fils de Rê ». C'est ainsi que, dans l'inscription dédicatoire d'Abydos, Ramsès s'adresse aux courtisans en disant ceci : « Je suis issu à la fois de Rê et, comme vous le dites, de Menmaâtrê qui m'a nourri. » Ainsi donc, au père nourricier bien humain, c'est-à-dire Séthi Ier, se superpose un père divin, c'est-à-dire Rê[76].

En ce qui concerne la croissance du roi pendant son enfance, celle-ci est assurée par l'allaitement d'une déesse dont l'identité varie, dépendamment du temple. Cet allaitement divin est dû au fait que c'est Rê qui a choisi Ramsès pour devenir le roi d'Égypte, comme l'indique l'inscription dédicatoire d'Abydos : « Le Maître Universel en personne m'a fait croître tandis que j'étais un enfant, jusqu'à ce que je devienne le souverain. Il m'avait donné le pays alors que j'étais dans l'œuf[75]. »

Les noms royaux[modifier | modifier le code]

Les noms royaux égyptiens peuvent fonctionner comme des êtres autonomes ne nécessitant pas la représentation anthropomorphe du roi, cette dernière étant porteur d'une connotation trop terrestre ne répondant qu'imparfaitement d'approcher le divin. C'est ainsi que les noms du roi faisaient office d'adoration comme pouvaient l'être les divinités, notamment par les fonctionnaires royaux sur de nombreux documents (griffiti, stèles, reliefs, linteaux). Les noms royaux peuvent aussi recevoir l'hommage par les processions des dnfants royaux sur les différents temples, mais aussi par les prisonniers. Ils recevaient également des offrandes de génies du Nil ainsi que vie et protection par les dieux[77].

À côté de ceci, les noms royaux sont parfois figurés sur des reliefs sous une forme qui relève du rébus ou de la cryptographie. C'est particulièrement le cas au niveau du montant sud de la porte principale du grand temple d'Abou Simbel, où sont représentés les noms d'Horus, de Nesout-bity et de Sa-Rê, ainsi que sur l'architrave orientale de l'avant-cour du temple de Louxor où est représentée la titulature complète[78]. Par exemple, concenrnant la représentation du grand temple d'Abou Simbel, le relief est divisé en six registres et de lit de haut en bas[78] :

  • le nom d'Horus, qui est ici « taureau victorieux aimé de Maât » (« Kanakht Mérymaât »), est représenté par le dieu Horus - représentant donc le nom lui-même - devant le dieu Min - représentant le taureau -, suivi du dieu Montou - représentant la victoire - puis de la déesse Maât sur le signe N36 de la classification de Gardiner et qui se lit « mr » - se lisant donc « mér(y)-Maât », c'est-à-dire « aimé de Maât » -[78] ;
  • le nom de Nesout-bity, qui est ici « Ousermaâtrê Sétepenrê », est représenté par deux rois portant respectivement la couronne de Haute-Égypte et la couronne de Basse-Égypte - représentant donc le nom lui-même -, suivis du dieu Anubis - représentant le signe F12 qui se lit « wsr » -, puis de la déesse Maât, du dieu Rê-Horakhty - se lisant ici seulement Rê -, puis un dieu maniant l'herminette - représentant le signe U21 et qui se lit « stp » -, puis de la déesse Neith - représentant le son « n » - et à nouveau le dieu Rê-Horakhty - se lisant à nouveau seulement Rê -[78] ;
  • le nom de Sa-Rê, qui est ici « Râmessou Méryamon », est représenté par la figure du dieu Anhour - représentant donc le nom lui-même -, suivi du dieu Rê-Horakhty - se lisant à nouveau seulement Rê -, puis le dieu Khonsou portant la tresse de l'enfance - se lisant « ms » - et portant dans sa main gauche le signe S29 - se lisant « s » - et dans la main droite le signe M23 - se lisant « sw » -, enfin, le dernier personnage est le dieu Amon sur le signe N36 - se lisant « mr » -[78].
Statue du dieu faucon Houroun et de Ramsès II enfant - Découverte à Tanis en 1934, à l'origine à Pi-Ramsès - Musée du Caire
Figure de Rê-Horakhty sur la façade du grand temple d'Abou Simbel montrant le rébus formé par la figure du dieu elle-même, ainsi que les figurines de Maât offertes par le roi de part et d'autre de la niche.

L'usage de ces rebus, en plus de ces reliefs, a été utilisé par Ramsès II sur la statuaire[79]. Plusieurs exemples sont connus :

  • la statue du roi avec le dieu Houroun découverte à Tanis en 1934 est l'exemple le mieux connu : le roi est représenté enfant (« ms »), surmonté de l'astre solaire («  ») et portant dans la main gauche le signe M23 (« sw »), ce qui permet de lire « Râmessou »[79] ;
  • un colosse de Memphis est composé d'une couronne encadrée par les signes F12 - se lisant « ouser » - et H6 - représentant la déesse Maât - ; la couronne, fragmentaire, devait être surmontée à l'origine par l'astre solaire, ce qui permettait alors de lire « Ousermaâtrê »[79] ;
  • une statue criocéphale (CG 42143), découverte dans la cachette de Karnak, est entourée des signes F12 et H6 et est surmontée de l'astre solaire, ce qui permet à nouveau de lire « Ousermaâtrê »[79] ;
  • la figure centrale en ronde-bosse de la niche située au dessus de la porte principale du grand temple d'Abou Simbel représente Rê-Horakhty encadré au niveau des jambes par le signe F12 et une figure de Maât, permettant de lire à nouveau « Ousermaâtrê »[80].

Dans les scènes des temples, le roi offre régulièrement une figurine de Maât pour indiquer qu'il maintient l'équilibre universel créé par le démiurge et justifier ainsi par conséquent sa légitimité sur le trône. Or, sur certaines de ces représentations, le roi n'offre par une figurine de Maât seule, mais des éléments formant, par rébut, le nom « Ousermaâtrê »[81], par exemple :

  • à Karnak, la tête de la figurine de Maât est surmonté de l'astre solaire, elle tient dans la main une plume (c'est-à-dire le signe H6) et devant elle se trouve le signe F12, ce qui permet de lire « Ousermaâtrê »[80] ;
  • en façade du grand temple d'Abou Simbel, de part et d'autre de la figure de Rê-Horakhty citée précédemment, le roi offre la figure de Maât surmontée de l'astre solaire et du signe H6, et tient dans sa main le signe F12, ce qui permet de lire à nouveau « Ousermaâtrê »[80].

Le culte des statues royales[modifier | modifier le code]

Ramsès II fait ériger des colosses à son effigie dans les grands temples construits ou restaurés. Les plus célèbres sont ceux en façade des temples d'Abou Simbel, ceux qui encadrent l'entrée du pylône du temple de Louxor, le colosse couché de Memphis, ainsi que celui qui trônait depuis quelques décennies en plein centre du Caire, sur la place qui porte son nom devant la gare centrale et qui provient également du grand temple de Ptah. Attaqué par la pollution, ce dernier a été transféré le à Gizeh, afin d'être installé au cœur du Grand Musée égyptien.

Les statues royales étaient considérées comme des hypostases du ka royal, comme le précise l'inscription de l'un des colosses dans l'avant-cour du temple de Louxor[82] :

« Dire une parole par le prêtre-Iounmoutef : "Prends pour toi les offrandes et provisions qui sortent en présence de ton père Amon-Rê, pour le ka royal vivant Soleil des Souverains."[82] »

Le ka royal, autrement dit la force vital de la monarchie d'essence divine, est conçu comme une entité divine à part entière, distincte du roi régnant, et à qui était vouée une barque processionnelle. En matérialisant la ka royal par des statues, le roi individualise le ka à son image, ouvrant donc la voie à un culte populaire rendu à sa propre personne. En effet, alors que les statues divines étaient recluses au fond des sanctuaires et n'en sortaient que lors des fêtes processionnelles, les statues royales étaient en parmanence accessibles au peuple dont elles recevaient prières[82].

Ces statues portent d'ailleurs chacune un nom :

  • au temple de Louxor, les colosses de Ramsès II situés dans l'avant-cour portent les noms de « Soleil des Souverains » et « Aimé d'Amon », le colosse oriental à l'avant du pylône porte le nom de « Souverain des Deux Terres », le nom du colosse occidental est perdu[82] ;
  • le grand colosse du Ramesséum porte lui aussi le nom de « Soleil des Souverains », colosse auquel était semble-t-il dédié un petit espace rituel comme l'attesterait les bases de quatre colonnette de grès et des murets latéraux[82] ;
  • à Pi-Ramsès, quatre colosses faisaient l'objet d'un culte comme l'atteste les stèles dites « d'Horbeit » ainsi que la description qu'en donne le scribe Pabasa : les deux colosses assis se nommaient respectivement « Ramsès aimé d'Atoum » et à nouveau « Soleil des Souverains », tandis que les deux colosses représentant le roi debout se nommaient respectivement « Ramsès Méryamon le Dieu » et « Montou dans les Deux Terres », cette dernière est par ailleurs attetées par près d'une cinquante de stèles et devaient donc faire l'objet d'un sulte important[83].

Les temples de Nubie[modifier | modifier le code]

Suivant l'exemple d'Amenhotep III avec son temple de Soleb, dont les reliefs font figurer le roi faisant offrande à une statue nommée « Nebmaâtrê » (c'est-à-dire le nom de Nesout-bity d'Amenhotep), statue qui était présente dans le temple lui-même, Ramsès II construisit plusieurs temple pour le culte des dieux et du sien. Ainsi, dès la première décennie de son règne, Ramsès II fit construire le temple d'Aksha en tant que « Domaine d'Ousermaâtrê, le Grand Dieu maître de Ta-Séty » (c'est-à-dire la Nubie). Les inscriptions du temple attestent de la présence à l'origine d'une statue royale vivante en Ta-Séty, mais cette statue est aujourd'hui disparue. Dans ce même temple, un relief de la porte du second pylône montre le roi offrant des fleurs au « Maître des Deux Terres Ousermaâtrê-Sétepenrê, le Grand Dieu Maître de Ta-Séty ». Des scènes équivalentes se trouvent dans les temples d'Abou Simbel, de Derr, de l'Ouadi es-Seboua et de Gerf Hussein[84].

Le grand temple d'Abou Simbel devait être dédié au départ à Amon-Rê pour la moitié sud et Rê-Horakhty pour la moitié nord, mais entre l'an 15 et l'an 20, il a été décidé de donner une bien plus grande importance au roi divinisé. Il est possible en effet que lors de l'achèvement des quatre colosses d'entrée, le processus de divinisation du roi n'était pas encore de mise dans ce temple, comme l'attesteraient les noms de ces colosses (du sud au nord : « aimé du Souverain des Deux Terres », « aimé du Soleil des Souverains », « aimé d'Amon » et « aimé d'Atoum »). Plus tard, lors de la réalisation des reliefs de la seconde salle hypostyle, les murs latéraux furent couverts de scènes montrant le couple royal offrant à une barque processionnelle transportée par des prêtres, la barque du mur sud ayant une égide criocéphale (c'est-à-dire Amon-Rê), celle du mur nord une égide hiéracocéphale (c'est-à-dire Rê-Horakhty). Cependant, le texte associé à cette dernière barque indique qu'il s'agit de « Ramsès-Méryamon résidant en Per-Ramsès-Méryamon » (c'est-à-dire le grand temple d'Abou Simbel), ce qui indiquerait que le roi divinisé a remplacé Rê-Horakhty. Il en va de même dans le sancturaire du temple, où la barque à égide hiéracocéphale du mur nord est accompagné d'un texte parlant de la barque de « Ramsès-Méryamon ». Près de cette dernière scène, une autre scène montre le roi offrant des tissus à Ramsès divinisé, coiffé de l'astre solaire ; des scènes associant les mêmes personnages se trouvent sur les portes du vestibules. Il est possible que ces scènes attestent l'instauration de fêtes locales incluant une procession de la barque royale assimilée à la barque solaire, peut-être lors de l'achèvement du temple. D'autres scènes ont par ailleurs été modifiées dans le temple, la figure de Ramsès ayant été insérée entre les figures divines : sur le mur occiental de la grande salle hypostyle, au nord entre Rê-Horakhty et Iousaas, au sud entre Amon-Rê et Mout, ainsi que sur le mur oriental de la seconde salle hypostyle, au nord entre Amon-Min et Isis, au sud à nouveau entre Amon-Rê et Mout. La chapelle de Thot, creusée au sud de la façade, ainsi que les magasins du temples ont été creusés et décorés après l'an 20 et montrent, pour la chapelle, une barque à égide hiéracocéphale légendée du texte « Ramsées`Méryamon dans la barque, le Grand Dieu », et pour les magasins, le roi offrant à Ramsès divinisé[85].

Construits plus tardivement, le temple (en) de Derr, celui de l'Ouadi es-Seboua et celui de Gerf Hussein ont été édifiés spécialement pour la divinisation du roi et il est probable que la barque du roi divinisé était acheminée d'un temple à l'autre au départ d'Abou Simbel. Il semble donc que l'assimilation de Ramsès II au dieu solaire ait été mise en œuvre de manière plus explicite dans les temples nubiens que dans la vallée égyptienne du Nil[86].

La fin du règne et la succession[modifier | modifier le code]

À la fin de son règne, le roi séjourne en permanence à Pi-Ramsès[87] et est devenu très probablement trop vieux pour être le véritable maître de l'Égypte. En effet, deux documents (un gros scarabée de Pi-Ramsès et une statue usurpée de Sésostris Ier), probablement à dater de l'extrême fin du règne, concernent le prince héritier Mérenptah et indiquent le texte suivant :

« le préposé, l'héritier de Geb, la semence divine issue du taureau puissant, les payas et les contrées étrangères se trouvant sous son poing, celui qui est appliqué lorsqu'il réalise l'équité pour ses pères, tous les dieux, l'unique sans égal, qui domineles chefs de tous les pays étrangers, le scribe royal, général en chef, le fils du roi, Mérenptah, qu'il vive éternellement[88]. »

Sur ces deux documents, Mérenptah n'est donc pas encore roi, il n'est que l'héritier (« héritier de Geb », Geb ayant été le premier des rois). Toutefois, il est quasiment le roi : il est sans égal, unique, dominant les pays étrangers, réalisant donc la Maât pour les dieux. Ramsès II devait donc être à ce moment-là un vieillard en fin de vie et le pouvoir était déjà pleinement entre les mains de Mérenptah qui le fait savoir[89].

Un document originaire de Kôm Médinet Ghourob mentionne successivement les dates du 18e jour du Ier mois de la saison Akhet de l'an 67 et le 19e jour du IIe mois de la saison Akhet de l'an I, permettant de s'assurer de la mort du roi entre ces deux dates. De plus, une analyse des documents datés du règne de Mérenptah a permis de réduire la plage de l'avènement de ce dernier du 5e au 13e jour du IIe mois de la saison Akhet, signifiant que Ramsès II est décédé entre le 4e et le 12e jour[2]. Le roi est donc mort après un règne de soixante-six et un peu plus de deux mois, vers l'âge de 88 à 91 ans[2]. Séjournant à Pi-Ramsès lors de sa mort, il est enterré dans sa tombe dans la vallée des Rois et ses funérailles sont organisés par son fils et successeur Mérenptah[87].

Le roi a enterré plusieurs de ses fils, dont a minima les douze premiers, car son successeur successeur Mérenptah est son treizième fils[90]. Au cours de son règne, Ramsès II a vu passer successivement près de quatre princes héritiers :

  • tout d'abord son fils aîné Amonherkhépeshef (fils aîné de la grande épouse royale Néfertari), héritier du trône de l'avènement de Ramsès II jusqu'à sa propre mort qui est datée différemment par les chercheurs mais qui est estimée avoir eu lieu au cours de la troisième décennie ou au début de la quatrième décennie du règne[91],
  • puis son deuxième fils Ramessou (fils aîné de la reine Isis-Néféret), héritier du trône de la mort d'Amonherkhépeshef jusqu'à sa propre mort qui est datée différemment par les chercheurs mais qui se situerait aux alentours de l'an 50, peut-être vers l'an 52[92],
  • ensuite son quatrième fils Khâemouaset (deuxième fils de la reine Isis-Néféret), héritier du trône pendant une courte période de la mort de Ramessou jusqu'à sa propre mort qui est datée habituellement de l'an 55, même si cela n'est pas totalement certain[93],
  • enfin son treizième fils Mérenptah (troisième fils de la reine Isis-Néféret), héritier du trône de la mort de Khâemouaset jusqu'à la mort du roi lui-même en l'an 67[90].

En face de la tombe de Ramsès II, une grande tombe collective a été retrouvée dans la vallée des Rois : la KV5, qui comprend de multiples chapelles et tombeaux des enfants royaux. Son exploration n'est toujours pas terminée mais des attestations de plusieurs princes y ont été trouvées, dont Amonherkhépeshef (1er fils), Ramessou (2e fils), Méryamon (7e fils), Séthi (9e fils) et Mériatoum (16e fils)[94].

Ramsès II est-il le pharaon de l'Exode ?[modifier | modifier le code]

Ramsès II guerrier sur son char, à la tête de son armée - Abou Simbel.

Ramsès II est également connu pour une tout autre raison : les traducteurs de la Bible, et longtemps les historiens à leur suite, l'ont désigné comme le pharaon qui régnait au moment de l'Exode. Ce problème est du reste alimenté depuis les années 1980 par la remise en question de la réalité historique de l'Exode : ce serait un récit légendaire, construit au mieux à partir de personnages et faits qui n'auraient qu'une vague similitude avec la réalité. Le texte aurait été rédigé plusieurs siècles après l'époque de Ramsès II, au plus tôt au VIIIe siècle, peut-être à partir de sources plus anciennes[95]. Cela rendrait alors sans objet tout questionnement relatif au pharaon qui aurait régné à ce moment[96].

L'identification proposée s'appuie sur l'argumentaire suivant : la stèle de la victoire de son successeur Mérenptah[note 8] mentionne un « peuple d'Israël » installé en Canaan. De plus, il est attesté selon les sources égyptiennes l'existence d'un haut fonctionnaire de langue sémitique, Ben Azèn, qui serait intervenu dans un conflit opposant un groupe de nomades à des officiers royaux égyptiens[97]. De son côté, la Genèse relate que Joseph, le fils de Jacob, aurait occupé un haut poste à la cour d'Égypte[98].

La Bible indique que les Hébreux sont réduits en esclavage et qu'ils construisent les villes de Pithôm et de Ramsès[99]. Cette dernière étant ensuite désignée comme étant le point de départ de l'Exode[100]. Or, Ramsès II est un grand bâtisseur et il entreprend au cours de son règne la construction d'une nouvelle capitale : Pi-Ramsès, non loin d'Avaris, l'ancienne capitale des Hyksôs, peuple de langue sémitique venu du Nord ayant pris le pouvoir et donné plusieurs pharaons. Le règne de Ramsès II semble donc fournir un cadre adéquat au récit de la Bible sur la sortie des Hébreux d'Égypte.

Cependant l'identification de Ramsès II au pharaon de l'Exode se révèle moins évidente qu'il n'y paraît. Aucun document datant de ce règne ne peut être mis en rapport avec l'expulsion ou la sortie d'un peuple de langue sémitique. Le fameux Ben Azèn non seulement n'a jamais quitté l'Égypte mais a fidèlement servi les successeurs du roi jusqu'au règne de Ramsès III. Toutefois, l'absence de trace de noyade sur la momie de Ramsès II, mort nonagénaire, n'est pas un argument contredisant les versets bibliques. Le texte implique uniquement « l'armée de Pharaon » dans la noyade[101].

Si les villes de Pithôm et Ramsès correspondent aux villes égyptiennes Pi-Atoum et Pi-Ramsès, la plupart des localités mentionnées dans le récit de la sortie d'Égypte n'ont pas pu être identifiées avec des sites de l'époque de Ramsès II[102]. L'itinéraire que donne le livre de l'Exode entre le point de départ, la ville de Ramsès, et l'engloutissement de l'armée égyptienne, comprend les lieux suivants : Sukkoth, Etam, Pi-Hahiroth, Mig-dol et Baal-Cefôn[103]. Les sites d'Etam et de Pi-Hahiroth sont inconnus. Etam est peut-être une déformation de Pithom, et Migdol est introuvable dans les textes égyptiens. Mais ce dernier est cité par Ézéchiel et Jérémie, ainsi que par l'historien grec Hérodote[104]. Ils le décrivent comme une ville située dans le delta du Nil et où séjournent de nombreux juifs après la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor II en 587 av. J.-C. Quant au nom de Baal-Cefôn (Baal du Nord), il est porté par une divinité populaire vénérée dans la partie orientale de la mer Méditerranée vers la fin du Ier millénaire, y compris en Égypte[note 9]. Il est possible que le chapitre 14 de l'Exode fasse allusion au temple de Tahpanès, où selon Jérémie une importante communauté juive vivait au Ve siècle avant notre ère. Comme on le voit, la plupart des noms mentionnés s'expliquent dans le contexte plus récent des époques assyrienne, babylonienne et perse, globalement du VIIe au IVe siècle av. J.-C., période où ces récits ont sans doute été mis par écrit.

Le pharaon de l'Exode ne porte pas de nom. Si les rédacteurs du texte biblique avaient connu Ramsès II ou un autre pharaon, ils auraient sans doute donné son nom, comme c'est le cas pour d'autres souverains égyptiens cités dans la Bible. Ils semblent plutôt avoir pensé que la construction d'une ville nommée Ramsès par une population d'esclaves israélites était suffisamment informative. Il est donc impossible de s'appuyer uniquement sur les textes bibliques pour faire de Ramsès II le pharaon de l'Exode[105]. Quant à Manéthon, historien égyptien vivant à l'époque ptolémaïque, il situe l'esclavage des Hébreux sous le règne d'un certain Aménophis, difficilement identifiable à un souverain particulier (peut-être Amenhotep III).

Sépulture[modifier | modifier le code]

La tombe de Ramsès II se trouve dans le caveau KV7 de la vallée des Rois, il s'agit de l'une des plus grandes tombes de la vallée creusée dans une couche marneuse. Elle a toutefois été ravagée par le temps. Outre les violations qu'elle a subies dès la fin du Nouvel Empire, elle a été périodiquement inondée à la suite de violents orages qui se produisent régulièrement dans la région. Des pluies soudaines font alors se déverser dans l'ouest de la vallée des Rois de véritables torrents de boue, de sable et de rochers, qui en pénétrant dans l'hypogée ont peu à peu détruit toute sa décoration intérieure, la couche marneuse résistant par ailleurs mal à l'eau.

Le caveau initial a été découvert en 1737 par Richard Pococke. Il a été fouillé par la suite en 1825 par James Burton, puis en 1844/1845 par Karl Richard Lepsius, en 1913/1914 par Harry Burton, en 1938 par Charles Maystre et en 1993/2002 par Christian Leblanc. Depuis 1993, la Mission Archéologique française de Thèbes-Ouest, dirigée par Christian Leblanc, procède à des fouilles et à la restauration de la tombe. Elle l'a dégagée de sa gangue de boue solidifiée et restitué des pans entiers de sa décoration trouvés dans les débris. De rares objets (fragments de son sarcophage en calcite orné du Livres des Portes, éléments de mobilier funéraire) ont aussi été retrouvés, montrant que la tombe avait été vidée de son contenu bien avant sa dégradation par les éléments naturels.

Le trésor funéraire de Ramsès II a disparu depuis longtemps, certainement à l'occasion de pillages qui eurent lieu à la fin du Nouvel Empire. Un braséro au nom de Ramsès II a été retrouvé dans le trésor funéraire de Psousennès Ier de la XXIe dynastie à Tanis. Les musées possèdent des ouchebtis à son nom, preuve caractéristique d'un pillage ancien.

La momie royale[modifier | modifier le code]

Momie de Ramsès II

La momie du roi fut déplacée par les prêtres du temple d'Amon à Karnak à plusieurs reprises. Sur ordre de Pinedjem Ier, elle a tout d'abord été restaurée à Médinet Habou puis réinhumée dans la tombe KV17 (celle du père de Ramsès II, Séthi Ier) en l'an 13 du règne de Nesbanebdjed Ier en compagnie des momies de Séthi Ier et de Ramsès Ier[106],[107],[87]. Leurs momies ont ensuite été déplacées à nouveau, cette fois vers la tombe encore non localisée d'Ahmès-Inhapy à la toute fin du pontificat de Pinedjem II en l'an 10 de Siamon[107],[108]. Enfin, les momies ont été déplacées vers la cachette DB320 au début du règne de Sheshonq Ier[109],[110] où elles seront découvertes en 1881. La momie de Ramsès II est alors retrouvée enveloppée dans des bandelettes posées par les prêtres de la XXIe dynastie, et réinstallée dans un sarcophage en bois de cèdre qui avait appartenu à Ramsès Ier, son grand-père. Cela illustre combien la vallée des Rois fut l'emprise de convoitises lorsque s'effondra l'Empire des Ramsès.

La momie a donc été retrouvée à la fin du XIXe siècle dans cette même cachette DB320 à la suite d'une enquête rocambolesque du tout jeune service des antiquités égyptiennes conduite par Mariette. En effet, dans les années 1870, à Paris et au Caire, apparaissent des antiquités égyptiennes portant les titulatures royales ; les égyptologues concluent que des trafiquants avaient secrètement découvert une nouvelle tombe. Mariette puis Gaston Maspero et ses collaborateurs remontent la filière des trafiquants jusqu’à deux frères, Ahmed et Mohamed Abd el-Rassul, bédouins sédentarisés probablement en cheville avec Mustapha Aga Ayat, agent consulaire de Grande-Bretagne, de Belgique et de Russie, pour faire passer à Paris les pièces qu'ils avaient pillé. Mohamed Abd el-Rassul accepte de coopérer[note 10] et révèle la cachette à Deir el-Bahari. Brugsch, conservateur-adjoint du musée de Boulaq et collaborateur de Maspero, découvre cette caverne le  : le tombeau contenait 5 000 objets dont trente-six sarcophages de divers pharaons du Nouvel Empire (parmi lesquels Séthi Ier, Ahmôsis Ier et Thoutmôsis II), 3 000 statuettes funéraires, des meubles et de la vaisselle funéraire... Les pièces furent envoyés au musée de Boulaq le [111].

Le khédive d'Égypte Tawfiq Pacha ordonne le déshabillage de la momie de Ramsès II le au musée de Boulaq : lors de son débandelettage par Maspero, et le dégagement de ses bras, une tension post-mortem rejette l'un de ses bras soudainement dans un dernier geste, créant l'effroi et la fuite de l'assistance (notamment les ministres du pacha) venue admirer le spectacle. Ce sera l'une des origines du mythe de la malédiction des momies égyptiennes. En 1907, Pierre Loti visite de nuit le musée de Boulaq et constate la dégradation de la momie de Ramsès II, laquelle subit sa première radiographie en 1912[112].

La dépouille (momifiée) de Ramsès II est transférée au musée égyptien du Caire puis « soignée » dans les années 1970, car des champignons s'y étaient développés au contact de l'air moderne. L'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt propose son sauvetage grâce à un laboratoire créé pour la momie lors de son exposition à Paris en 1976[113]. À cette occasion, la momie de Ramsès II est accueillie au Bourget par les autorités et la Garde républicaine avec les honneurs dus à un chef d’État, suivant la promesse faite par Giscard d’Estaing au président égyptien el-Sadate[114].

L'étude de cette dépouille au musée de l'Homme à Paris[note 11], en 1976-1977, a révélé que Ramsès était de haute stature, qu'il mesurait 1,75 m, qu'il était roux et « leucoderme, de type méditerranéen proche de celui des Amazighes africains[115],[note 12] ».

Causes de la mort de Ramsès II[modifier | modifier le code]

La momie a été examinée en 1886 par Gaston Maspero et le docteur Fouquet, première investigation approfondie de la momie. Les moyens de l'époque furent employés : observation détaillée du corps, mensurations diverses.

En 1974, pour connaître les causes de la mort de Ramsès II et de plusieurs autres pharaons, dont Mérenptah, des recherches furent entreprises sous la direction de Maurice Bucaille, avec des collaborateurs égyptiens et français de disciplines médicales. Leurs résultats furent communiqués à l'académie de médecine et à la Société française de médecine légale. Son livre Les Momies des Pharaons et la médecine[116] qui reçut le prix Diane-Potier-Boès en 1988, présente les résultats définitifs de ses recherches.

De nombreuses techniques modernes ont été utilisées : explorations radiologiques et endoscopiques, investigations dans le domaine dentaire, recherches microscopiques, médico-légales, etc. Une trouvaille de grande importance grâce à l'utilisation de films radiologiques de très haute sensibilité permit de mettre en évidence l'existence d'une très grave lésion de la mâchoire de Ramsès II, une ostéite étendue de la mandibule. Maurice Bucaille en conclut que ces lésions ont probablement été mortelles, à moins que le roi n'ait eu d'autres problèmes de santé non décelables (à cause de l'impossibilité d'examiner les organes du thorax liée à la momification). La cause de sa mort serait donc une infection d'origine dentaire[117].

Maurice Bucaille a été par la suite sévèrement critiqué par la communauté scientifique, car il partait d'un postulat pour arriver aux faits plutôt que de partir des faits pour in fine aboutir à une théorie. En effet, celui-ci cherchait avant tout à prouver que Ramsès II était le pharaon de l'époque de Moïse.

Des études plus récentes ont montré que Ramsès II serait mort, peut-être de vieillesse vu son grand âge, à plus ou moins 90 ans et souffrait avant sa mort d'athérosclérose, d'arthrose, de terribles maux de dents et d'une maladie rhumatologique, la spondylarthrite ankylosante qui maintenant en permanence sa tête projetée vers l'avant (les embaumeurs ont dû fracturer le cou du roi pour donner à la tête de la momie royale une position plus convenable)[118].

La déformation du cou lié à sa maladie aurait obligé les embaumeurs à fracturer volontairement ses vertèbres cervicales afin de mettre sa tête en position horizontale.

Titulature[modifier | modifier le code]

Les éléments de la titulature ont fortement varié au cours du règne[119],[120]. En conséquence, seules quelques variantes sont présentées ci-dessous.

L'héritage de Ramsès II[modifier | modifier le code]

L'héritage immédiat[modifier | modifier le code]

Le treizième fils de Ramsès II, Mérenptah, succéde donc à Ramsès pour seulement une dizaine d'années. Il devait être en effet assez âgé et son propre fils, Séthi II, aurait pu être en âge de gouverner lui-même à ce moment-là, ce qu'il fera effectivement dix ans plus tard. Le règne de Mérenptah est marqué par les guerres : en effet, dès l'an 2, Mérenptah doit faire face à une révolte en Canaan, matée rapidement ; puis, en l'an 5, il arrête la marche des envahisseurs Libyens, alliés à des peuples de la mer (qui referont parler d'eux au cours du règne de Ramsès III), à la frontière occidentale du delta, avant de mater une nouvelle révolte, cette fois en Nubie[121].

Après la mort de Mérenptah après dix ans de règne, c'est donc son fils Séthi II qui lui succède. Toutefois, dès la deuxième année de règne, Amenmes, qui semble être le fils d'une autre épouse de Mérenptah, Takhat Ire, se proclame roi depuis la Nubie et conquiert un territoire jusqu'à Abydos-Thinis comme frontière nord. En l'an V du règne de Séthi II reprend le contrôle de l'ensemble du territoire, toutefois, il ne pérennise pas cette réunification car il meurt l'année suivante sans héritier pour lui succéder. Siptah, un jeune prince à la généalogie confuse mais qui semble être un fils d'Amenmes, est placé sur le trône par un chancelier nommé Bay d'origine syrienne. Ce jeune roi est complètement dominé par Bay et par Taousert, la veuve de Séthi II. À la mort de Siptah à nouveau sans héritier, c'est Taousert qui lui succède pour deux ans avant d'être éliminée par Sethnakht, peut-être un descendant de Ramsès II par l'un de ses nombreux enfants. Sethnakht fonde alors une nouvelle dynastie, la XXe (peut-être descendante de Ramsès II par une autre lignée que Mérenptah), marquant à la fois la fin de la lignée de Mérenptah quelques quartorze ans après la mort de ce dernier et le début de la dernière période de stabilité du Nouvel Empire[122].

L'image posthume du roi[modifier | modifier le code]

À la mort du roi, ce dernier ne sombra pas dans l'oubli. Bien sûr, tous ses monuments, statues, reliefs qu'il fit réaliser ou usurper rendèrent sa présence omniprésente et permirent aux anciens Égyptiens de garder longtemps en mémoire le roi et ses actions. Il fut un modèle pour ses successeurs, particulièrement pour Ramsès III qui nomma ses propres enfants comme ceux de Ramsès II et qui imita certaines de ses constructions, particulièrement son temple des millions d'années de Médinet Habou fortement inspiré du Ramesséum. Les successeurs de la XXe dynastie intégrèrent tous le nom Ramsès dans leur nom de Sa-Rê, allant même jusqu'au onzième. Pendant la Troisième Période intermédiaire, son nom de Nesout-bity, Ousermaâtrê, fut utiliser par plus d'une dizaine de souverains tandis que son nom Ramsès fut ajouter par certains d'entre eux dans leurs cartouches, comme par exemple Psousennès Ier. Alexandre le Grand choisit quant à lui Méryamon Sétepenrê, rappelant à nouveau le roi qui était décédé depuis près de neuf siècles[123].

Ainsi, son long règne prospère et stable fut considéré comme une référence pour des rois en proie à des difficultées récurrentes, des divisions ou des dominations étrangères[123]. C'est d'ailleurs sans doute pendant la XXVIIe dynastie, dite première domination perse, qu'a été gravée la stèle dite de Bakhtan, un récit de pure fiction basé sur le souvenir du mariage diplomatique de l'an 34 entre le roi et la princesse hittite Maâthornéferourê. La stèle, composée comme si elle avait été gravée sous le règne de Ramsès II, fait figurer dans le cintre le roi offrant des fleurs à la barque processionnelle de Khonsou. Le texte évoque la grande épouse royale Néferourê, présentée comme la fille du roi de Bakhtan (c'est-à-dire la Bactriane) ; les Hittites ayant disparu depuis longtemps et ne représentant plus rien dans le contexte de l'époque, ils ont donc été remplacés. Dans la suite du récit, alors que le roi se trouvait à Thèbes, un messager provenant de Bakhtan arrive afin de demander l'aide du roi pour aider la princesse Bentrech, sœur cadette de la reine Néferourê, qui était malade. Le roi envoie un savant nommé Dhéhoutyemheb, qui, une fois sur place, constate que la princesse est possédée et fait envoyer depuis l'Égypte une statue de « Khonsou qui fixe le sort dans Thèbes ». La statue arrive au bout d'un an et cinq mois jusqu'à la princesse qui est alors guérie. Le roi de Bakhtan, voyant l'efficacité de la statue, souhaite alors la conserver mais la renvoie ensuite en Égypte après qu'il ait fait un rêve l'invitant à le faire. La statue regagne alors son sancturaire thébain, où la stèle peut témoigner de ses vertues magiques incontestables, éprouvées sous le règne du grand Ramsès[124].

Ramsès II n'est pas le seul sujet de récit de fiction. En effet, la littérature démotique conserve plusieurs récits de fiction centrés autour de son fils Khâemouaset, alors appelé Setne-Khamouas. Le premier récit raconte sa quête du Livre de Thot, conservé dans la tombe d'un certain Nanéferkaptah. Le deuxième récit évoque le fils de Setne-Khamouas nommé Sa-Ousir, surdoué plus savant que les scribes de la maison de vie du temple de Ptah. Un troisième récit évoque à nouveau Sa-Ousir en compagnie de son père Setne-Khamouas et du roi Ousermaâtrê, mis au défi par un chef nubien qui s'avère être en fait un sorcier, ce dernier finit vaincu par Sa-Ousir qui déclara alors être Horus (Sa-Ousir signifie en effet « fils d'Osiris ») revenu sur terre pour vaincre ce sorcier. Sa-Ousir disparut ensuite, laissant son père Setne-Khamouas dans un profond chagrin[125].

Parmi les auteurs classiques, plusieurs mentions sont faites du roi sous différents noms : Rhampsinite par Hérodote, Osymandyas par Diodore de Sicile sur la base de témoignages d'Hécatée d'Abdère. Germanicus, frère aîné du futur empereur romain Claude, alla en Égypte après ses victoires en Germanie et s'intéressa aux reliefs laissés par Ramsès à Thèbes ; Tacite en témoigne dans le récit suivant[126] :

« Bientôt (Germanicus) visita les grands vestiges de l'ancienne Thèbes. Des textes égyptiens subsistaient sur des structures massives, évoquant son opulence antérieure. L'un des vieux prêtres, qui avait été prié de traduire les inscriptions en sa langue, racontait que jadis habitaient là sept cent milles hommes en âge d'être soldat et qu'avec cette armée le roi Ramsès avait conquis la Libye et l'Éthyopie, la Médie et la Perse, la Bactriane et la Scythie, et qu'il avait inclus dans son empire les territoires habités par les Syriens, les Arméniens et leurs voisins Cappadociens, depuis la mer de Bithynie jusqu'à celle de Lycie. On y lisait les tributs imposés aux peuples, le poids en or et en argent, le nombre d'armes et de chevaux, les présents faits aux temples en ivoire et en parfums, les quantités de blé et autres moyens de subsistance que payait chaque nation, choses qui n'étaient pas moins importantes que ce qui aujourd'hui est imposé par la puissance parthe ou le pouvoir romain[126]. »

La volonté de traduire les termes géographiques anciennes dans le cadre géopolitique de l'époque de Germanicus amena le vieux prêtre à amplifier, à dessein ou nom, l'étendu réel des campagnes de Ramsès. Il n'est en tout cas pas possible de savoir si les scènes décritent très librement par le prêtre sont celles du temple d'Amon à Karnak ou celui de Louxor, deux temples où se trouvent gravés les scènes et textes décrivant la bataille de Qadesh[126].

Le culte de Ramsès II[modifier | modifier le code]

Le 26 mars 2023, les autorités égyptiennes annoncent la découverte de plus de deux mille têtes de béliers momifiées dans le temple de Ramsès II à Abydos. D'autres momies d'animaux comme des brebis, des chiens, des chèvres, des vaches, des gazelles et des mangoustes, ont également été exhumées par une équipe d’archéologues américains de l’université de New York. Ces momies datent de la période ptolémaïque, montrant qu'un culte de Ramsès II a été créé après sa mort et a perduré plusieurs siècles. L'égyptologue Jean-Guillaume Olette-Pelletier précise que ces béliers sont directement liés au culte du dieu Amon[127].

Culture populaire[modifier | modifier le code]

La vie de Ramsès II a inspiré de nombreux auteurs de fictions, dont Christian Jacq et sa série en cinq volumes Ramsès ou Anne Rice dans The Mummy. Dans Les Cigares du pharaon, quatrième album des Aventures de Tintin par Hergé, l'égyptologue Philémon Siclone se prend pour Ramsès II, ou se réfère plusieurs fois à lui après avoir été empoisonné au radjaïdjah, le « poison-qui-rend-fou ». La série de bande dessinée Sur les terres d'Horus se déroule sous son règne.

Le poète britannique Percy Bysshe Shelley lui dédia le sonnet Ozymandias, qui paraphrase notamment l'inscription retrouvée sur le socle d'une statue attribuée à Ramsès II : « King of Kings am I, Osymandias. If anyone would know how great I am and where I lie, let him surpass one of my works ».

La sortie d'Égypte des Hébreux a aussi été évoquée dans de nombreux films comme Les Dix commandements (1956), où le personnage de Ramsès II est interprété par Yul Brynner. Il apparaît aussi dans le dessin animé Le Prince d'Égypte (1998), qui traite de la vie de Moïse, et dans la comédie musicale Les Dix Commandements (2000) sous les traits d'Ahmed Mouici. Il est encore interprété par Joel Edgerton dans le film Exodus (2014) de Ridley Scott, par Christian Erickson (en) dans le film Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec (2010) et par Sergio Marone dans la telenovela brésilienne Os Dez Mandamentos (2015-2016).

Dans le contenu additionnel du jeu vidéo Assassin's Creed Origins (2018) intitulé The Curse of the Pharaohs, Ramsès II est l'un des quatre pharaons dont l'esprit a été ramené à la vie. Il peut être combattu par le joueur en tant que boss. Dans les jeux vidéo Civilization V et Civilization VI (via un DLC sorti le 16 février 2023), Ramsès II peut être choisi comme dirigeant de l'Égypte. Il apparaît en tant que « Servant » dans le jeu mobile Fate/Grand Order, sorti en 2015 au Japon.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Autres dates :
    1290 à 1224 AEC (selon D. Arnold)
    1279 à 1212 AEC (selon A. D. Dodson)
    1294 à 1227 AEC (selon A. H. Gardiner)
    1279 à 1212 AEC (selon N. Grimal)
    1279 à 1213 AEC (selon H. W. Helck)
    1290 à 1224 AEC (selon E. Hornung)
    1290 à 1224 AEC (selon Kinnaer)
    1279 à 1213 AEC (selon K. A. Kitchen)
    1279 à 1213 AEC (selon R. Krauss)
    1279 à 1213 AEC (selon J. Málek)
    1290 à 1223 AEC (selon Parker)
    1304 à 1237 AEC (selon D. B. Redford)
    1279 à 1213 AEC (selon I. Shaw)
    1279 à 1212 AEC (selon C. Vandersleyen)
    1279 à 1213 AEC (selon J. von Beckerath)
    1291 à 1279 AEC (selon Wente)
  2. En égyptien ancien Ousermaâtrê-Sétepenrê Ramessou-Méryamon c'est-à-dire « puissant par l'harmonie de Rê, choisi par Rê, issu de Rê, aimé d'Amon »)
  3. Claude Obsomer indique qu'il serait mort dans la seconde moitié du mois de juillet de cette année 1213 AEC ; Christiane Desroches Noblecourt donne quant à elle la date du 19 juillet 1213 AEC.
  4. Les chercheurs reconstruisent la partie manquante en Rouia, Touia voire Tjouia
  5. Pour une version complète du traité et de ses dix-huit clauses on consultera Pirenne 1962, p. 355-359.
  6. La dot de la princesse est composée d'un grand nombre d'animaux (bœufs, moutons, chevaux) mais aussi de prisonniers de guerre.
  7. Un fragment de papyrus en provenance de ce site mentionne : l'épouse royale Maât-Hor-Néférou-Rê, vivante soit-elle, la fille du grand chef du Hatti
  8. Cette stèle commémore la victoire de Mérenptah sur les Libyens et les Peuples de la mer. Cette stèle se trouve au Musée du Caire
  9. On connaît au moins trois temples dédiés à cette divinité en Égypte
  10. En récompense, il recevra cinq-cents livres sterling et sera nommé inspecteur des fouilles.
  11. Lors de l'arrivée en avion militaire de la momie de Ramsès II en France, un détachement de la Garde républicaine, rendit les hommages dus selon le protocole à un chef d'État, au passage de la caisse contenant la dépouille du souverain, le convoi fit un détour par la place de la Concorde pour passer devant l'obélisque.
  12. La momie a été analysée en France par 110 techniciens, radiologues, chimistes et des experts du Musée de l’Homme (« Ramsès II - Reconstitution 3D », Terra Nova, (consulté le ))

Références[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

(Par ordre alphabétique du premier auteur.)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]