Utilisateur:Leonard Fibonacci/Theudas

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Theudas (ˈθjuːdəs) ou Thaddée, mort vers 44-46, est un prophète juif qui accomplit des miracles, réunit de grandes foules et pourrait s'être prétendu messie. Le procurateur Cuspius Fadus fait disperser ceux qui le suivent et le fait exécuter. Sa tête est ensuite ramenée à Jérusalem.

Hippolyte de Rome semble parler de lui lorsqu'il évoque le chef d'une lointaine église chrétienne de Syrie qui prit soudain d'une sorte de folie « persuada bon nombre de frères de venir dans le désert avec femmes et enfants, à la rencontre du Christ dans le désert. » Certains critiques émettent donc l'hypothèse qu'il pourrait s'agir de l'apôtre Thaddée, qui serait aussi le frère de Jésus appelé Jude Thaddée.

Histoire[modifier | modifier le code]

Thaddée ou Theudas[1] fait partie des mouvements prophétiques, vers les débuts de notre ère qui voit des soulèvements de tous genres provoqués par des révoltés, tel Judas le Galiléen à la mort d'Hérode le Grand ou par des prophètes inspirés qui ameutaient des foules dans l'attente de prodiges ou d'obscurs prétendants à la royauté davidique. Vers l'an 44-46, il réunit de grandes foules et accomplit des miracles[1]. Il prétend aussi rééditer l'antique traversée du Jourdain à pieds secs[2]. Simon Claude Mimouni estime qu'il pouvait avoir des prétentions messianiques[1]. Le procurateur Cuspius Fadus fait disperser la foule et demande que sa tête soit ramenée à Jérusalem.

Flavius Josèphe le relate dans ses Antiquités judaïques[3] :

« Pendant que Fadus était procurateur de Judée, un magicien nommé Theudas persuada à une grande foule de gens de le suivre en emportant leurs biens jusqu'au Jourdain ; il prétendait être prophète et pouvoir, à son commandement, diviser les eaux du fleuve pour assurer à tous un passage facile. Ce disant, il séduisit beaucoup de gens. Mais Fadus ne leur permit pas de s'abandonner à leur folie : il envoya contre eux un escadron de cavalerie qui les surprit, en tua beaucoup et en prit beaucoup vivants. Quant à Theudas, l'ayant fait prisonnier, les cavaliers lui coupèrent la tête et l'apportèrent à Jérusalem. Voilà donc ce qui arriva aux Juifs pendant le temps où Cuspius Fadus fut procurateur. »

— Flavius Josèphe, Flavius Josèphe, Antiquités Juives 20.97-98

Pierre-Antoine Bernheim estime que « Theudas, qui se prenait pour le « prophète semblable à Moïse » prédit par Deutéronome (18, 15-18), pensait que Dieu allait réaliser par son entremise un miracle similaire à celui qui permit à Josué de traverser le Jourdain (Livre de Josué 3). Ce miracle aurait annoncé la restauration d'Israël[4]. »

Il est en général admis que le Theudas mentionné par Flavius Josèphe et celui cité dans les Actes des Apôtres (5 34-38) est la même personne. Pour Pierre-Antoine Bernheim, le discours de Gamaliel, montre que l'auteur des Actes des Apôtres jugeait « plausible que Jésus pu être comparé à Judas le Galiléen et à Theudas, la principale différence résidant dans la survie de son mouvement après sa disparition[4]. »

Problème chronologique[modifier | modifier le code]

Dans les Actes des Apôtres, Theudas est mentionné dans le discours de Gamaliel devant le Sanhédrin, afin de défendre certains apôtres qui viennent d'être arrêtés. Gamaliel associe Theudas, Judas le Galiléen et Jésus[5]. Toutefois, ce discours « conformément à la pratique des historiens antiques » a été recomposé par l'auteur des Actes[4]. Theudas y est présenté comme un exemple de chef messianique ayant échoué. Cette mention soulève des problèmes de chronologie et de fiabilité des Actes des Apôtres[4]. En effet, dans ce texte la relation de la mort d'Agrippa Ier (44) se trouve sept chapitres après le discours de Gamaliel qui donc semble être prononcé bien avant la prise de fonction de Cuspius Fadus, nommé à la suite de la mort d'Agrippa[6],[7]. Avec d'autres contradictions, cela pourrait indiquer que la répression de certains hauts dirigeants de l'église de Jérusalem qui motive le discours de Gamaliel pourrait donc être l’œuvre d'un autre Hérode : Hérode de Chalcis qui règne jusqu'en 48 ou Hérode Agrippa II (48 - 101).

Les Actes des Apôtres, composés dans les années 80-90 à partir de plusieurs sources, ont en effet été « l'objet d'une critique dévastatrice depuis quelques décennies, au point de se voir dénié par certains, en tout ou partie, toute valeur historique[8] » du fait de « l'activité rédactionnelle » de ses trois auteurs successifs[9]. Ainsi, la totalité du document pétrinien auxquels appartenait cet épisode semble avoir été placé au début des Actes par son premier rédacteur en faisant suivre ce récit par la « Geste de Paul » et c'est le second rédacteur — peut-être l'évangéliste Luc — qui a déplacé deux séquences d'un récit à l'autre[10], ce qui peut donner l'impression d'un seul récit respectant la chronologie. Il a aussi inséré entre les deux "Gestes" de Pierre et Paul, le récit de la mort d'Agrippa[11] qui donne l'impression que tout ce qui précède est daté d'avant 44 et tout ce qui suit est ultérieur. Cette activité rédactionnelle sur les sources initiales pourrait expliquer cette incohérence, ainsi que plusieurs autres incohérences chronologiques des Actes des Apôtres.

Un éventuel frère de Jésus[modifier | modifier le code]

Hippolyte de Rome, un auteur chrétien du début du IIIe siècle, semble parler de Theudas dans son Commentaire sur Daniel (IV, 18). Il indique que l'objectif de celui qu'il désigne comme un chef de l'église de la province romaine de Syrie, était de faire rencontrer Jésus, toujours vivant après sa crucifixion à ceux qui le suivaient, alors que celui-ci était réfugié « dans le désert ». Il écrit: « Un chef de cette Église lointaine qui ne s'appliquait guère à l'étude des divines Écritures et ne suivait pas la voie du Seigneur, se mit à divaguer et fit divaguer les autres. […] Il persuada bon nombre de frères de venir avec femmes et enfants, à la rencontre du Christ dans le désert[12],[13]. ».

Certains critiques estiment donc que Theudas est l'apôtre Thaddée, qui serait aussi le frère de Jésus appelé Jude Thaddée[14]. Theudas est la forme latine du surnom Thaddée[14]. Il est surnommé Judas le Zélote dans plusieurs autres sources chrétiennes tout comme son frère Simon le Zélote[15]. Thaddée d'Édesse est donné comme étant originaire de Banyas au nord de la Bathanée. Il semble être exécuté vers 45 près de Béryte (Beyrouth) par décapitation après avoir reçu un coup de masse d'arme, ce qui est compatible avec les données fournies par Flavius Josèphe pour Theudas[14], qui indique qu'il a été capturé dans cette période puis que « les cavaliers lui coupèrent la tête et l'apportèrent à Jérusalem » pour l'exemple. « Deux sources syriaques médiévales confirment la présence de la tombe de saint Jude à Beyrouth après son martyre[16]. » Le corps de Jude Thaddée enterré à Beyrouth aurait été transféré à Rome et placé dans une crypte de la basilique Saint-Pierre à côté de celle de Simon le Zélote.

Theudas dans le Talmud[modifier | modifier le code]

Un Theudas est mentionné dans le Talmud en Bekhorot (4: 4) comme un célèbre médecin d'Alexandrie[17] correspondant à la période de la première partie du Ier siècle.

Judas et Joseph Barsabbas surnommé Justus et les Sabéens[modifier | modifier le code]

Dans la tradition mandéenne le père de Jean le Baptiste est appelé Abba Saba Zachariah [18]. La tradition mandéenne date aussi l'exode des disciples de Jean au delà du Jourdain de l'année 37-38[18], peu de temps après que Ponce Pilate a violemment détruit le mouvement conduit par un restaurateur samaritain, crucifié plusieurs chefs du mouvement et dispersé ses disciples[18]. Ce qui correspond plus ou moins avec la date donnée par Flavius Josèphe pour l'exécution du Baptiste en Pérée au delà du Jourdain, vers la fin du gouvernorat de Ponce Pilate en Judée[19].

Datation[modifier | modifier le code]

Selon la tradition des mandéens — la dernière communauté de Baptistes antiques existant encore aujourd'hui — et notamment dans le Haran-Gawaita[20], les mandéens placent leur départ de Palestine en 37-38, sous le règne d'Artaban III[20], à cause d'une répression qui aurait eu lieu peu de temps après la mort du Baptiste[21],[20]. Pour Robert Eisenman, les indications de la tradition mandéenne, sont cohérentes avec ce que décrit Flavius Josèphe, chez qui les exécutions du Baptiste, et le rassemblement armé de Dosithée se suivent dans une période très brève[22]. Le départ de cette branche de Baptistes dans l'année, ou les deux années suivantes est donc possible. Finalement c'est Simon le Mage qui aurait pris la tête des baptistes refusant de reconnaître Jésus comme Messie et qui avaient pu rester en Palestine[22]. Selon la tradition talmudique, Dosithée échappe à la répression romaine, mais finit par mourir de faim dans une grotte dans la région de Kaukab (15 km au sud-ouest de Damas). Kaukab aurait constitué aux Ier et IIe siècle une place forte des disciples de Dosithée et Simon le Mage[23].

Le Haran-Gawaita[modifier | modifier le code]

Le Haran-Gawaita est un texte mandéen qui vise à raconter l'histoire de leur mouvement et son arrivée dans l'Empire Parthe comme Nasoréens (Nasoraya) depuis la Palestine. Les Mandéens forment la dernière communauté héritière des mouvements baptistes antiques existant encore aujourd'hui. Leur prophète principal est Jean le Baptiste. Dans ce livre, les Mandéens placent leur repli au delà du Jourdain en 37-38, sous le règne d'Artaban III[21],[20]. Ce qui est compatible selon Robert Eisenman avec la date que Flavius Josèphe donne pour l'exécution de Jean le Baptiste[22], bien après la date classiquement donnée pour l'exécution de Jésus entre 30 et 33[24].

Circonstances de l'exécution de Jean le Baptiste[modifier | modifier le code]

Le projet de mariage est donc désormais connu et c'est probablement à ce moment qu'intervient le Baptiste qui d'après les évangiles synoptiques critique fortement ce projet de mariage en disant à Antipas: « Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton frère (Mc 6:19) ». En effet, cette union choquait « en raison de l'interdiction légale du mariage avec la femme de son frère (Lév. 18, 16; 20, 21), que Jean Baptiste rappelait sans ménagement[25],[N 1]. Selon les évangiles synoptiques, c'est à la suite de ces admonestations de Jean Baptiste, qu'Antipas le fait jeter en prison[26] puis décapiter quelque temps plus tard[26].

Flavius Josèphe donne une version différente des événements. Il explique dans ces termes les motifs de l'exécution de Jean le Baptiste :

« Hérode (Antipas) craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d'avoir à se repentir plus tard, si un mouvement avait lieu, de s'être exposé à des périls. À cause de ces soupçons d'Hérode, Jean fut envoyé à Machaero (probablement Machéronte), la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué[27]. »

Pour Pierre Geoltrain, « ce bref récit replace le mouvement de Jean Baptiste dans l'histoire, celle des soulèvements provoqués par des révoltés, tel Judas le Galiléen à la mort d'Hérode le Grand (père d'Hérode Antipas et de Philippe le Tétrarque), ou par des « prophètes » illuminés qui ameutaient des foules dans l'attente de prodiges, ou encore par d'obscurs prétendants à la royauté[28]. »

Défaite d’Hérode Antipas, punition divine[modifier | modifier le code]

Ruines de la cité fortifiée de Gamala, enjeu de la guerre entre Arétas IV et Hérode Antipas. (On entrevoit au fond, le lac de Tibériade.)

Peu après que l'alliance entre Antipas et Arétas est brisée, celui-ci exploite le prétexte d'une contestation de frontières « du territoire de Gamala » et déclare la guerre à Antipas[29]. Une bataille a alors lieu[N 2] et « toute l'armée d'Hérode est taillée en pièces à cause de la trahison de transfuges qui, tout en appartenant à la tétrarchie de Philippe, étaient au service d'Hérode [Antipas][j 1]. » Suivant Flavius Josèphe, cette défaite intervient « en juste vengeance de Jean surnommé Baptiste[j 1] ». La défaite d'Antipas est ainsi considérée au sein de la population juive comme une vengeance divine contre Antipas pour le punir d'avoir mis à mort Jean[30] et dont Arétas IV n'aurait été que l'instrument[30].

Pour Robert Eisenman, cette description de Josèphe montre à quel point le Baptiste était un chef populaire « et que sa mort résulte de cela et non d'une quelconque « danse de séduction » exécutée par la fille d'Hérodiade, sujet de l'imagination populaire depuis lors[31]. »

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 430.
  2. Aux origines du christianisme, Claude Tassin, Collection Folio Histoire, p. 181
  3. Flavius Josèphe, Antiquités Juives 20.97-98
  4. a b c et d Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus,  éd. Albin Michel, Paris, 2003, p. 144.
  5. « Alors un Pharisien nommé Gamaliel se leva au milieu du Sanhédrin ; c'était un docteur de la Loi respecté de tout le peuple. Il donna l'ordre de faire sortir ces hommes un instant. Puis il dit aux sanhédrites : " Hommes d'Israël, prenez bien garde à ce que vous allez faire à l'égard de ces gens-là. Il y a quelque temps déjà se leva Theudas, qui se disait quelqu'un et qui rallia environ quatre cents hommes. Il fut tué, et tous ceux qui l'avaient suivi se débandèrent, et il n'en resta rien. Après lui, à l'époque du recensement, se leva Judas le Galiléen, qui entraîna du monde à sa suite ; il périt, lui aussi, et ceux qui l'avaient suivi furent dispersés. À présent donc, je vous le dis, ne vous occupez pas de ces gens-là, laissez-les. Car si leur propos ou leur œuvre vient des hommes, il se détruira de lui-même ; mais si vraiment il vient de Dieu, vous n'arriverez pas à les détruire. Ne risquez pas de vous trouver en guerre contre Dieu. " On adopta son avis. » Actes des Apôtres, Bible de Jérusalem, 5, 34-39.
  6. Louis H. Feldman, Jewish Life and Thought among Greeks and Romans: Primary Readings, A&C Black, 1996, p. 335.
  7. Talbert, Charles H., Reading Luke-Acts in Its Mediterranean Milieu, Brill, p. 200.
  8. Blanchetière 2001, p. 103.
  9. Blanchetière 2001, p. 251.
  10. Boismard et Lamouille 1990, p. 11 et 12.
  11. Boismard et Lamouille 1990, p. 24.
  12. Hippolyte de Rome, Commentaire sur Daniel, IV, 18 et 19, cité dans Claude Carozzi, La fin des temps, terreurs et prophéties au Moyen Age, Paris, Flammarion, 1999.
  13. Hippolyte, Commentaire sur Daniel, IV, 18, 1979, Paris, Éd. du Cerf.
  14. a b et c Robert Eisenman, James the Brother of Jesus And The Dead Sea Scrolls, The Historical James, Paul as the Enemy, and Jesus' Brothers as Apostles, tome II, éd. GDP, Nashville, 2012, p. 25-28.
  15. Robert Eisenman, James the Brother of Jesus: The Key to Unlocking the Secrets of Early Christianity and the Dead Sea Scrolls, éd. GDP, Nashville, 2012, p. 376-388.
  16. Le patriarche syrien-jacobite Michel le Syrien (1166 - 1199) mentionne dans sa Chronique « Jude appelé Thaddée, qui est aussi Labbaï, de la tribu de Judas [...] il fut enseveli à Beyrouth » et Bar-Hebraeus (m. en 1283) qui dans sa Chronique ecclésiastique reprend à peu près la même information. cf. Mélanges de l'Université Saint-Joseph, Volume 56, 1999, p. 307.
  17. Encyclopedia Judaica, Samuel Vaisrub, Michael A. Denman, Yaakov Naparstek et Dan Gilon, article Medicine, 2008.
  18. a b et c Eisenman 2012 vol. II, p. 21.
  19. Eisenman 2012 vol. II, p. 21-22.
  20. a b c et d Grabbe 1992, p. 510.
  21. a et b Eisenman 2012 vol. II, p. 21.
  22. a b et c Eisenman 2012 vol. II, p. 21-22.
  23. Blanchetière 2001, p. 123.
  24. Eisenman 2012 vol. II, p. 22.
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  26. a et b Nikkos Kokkinos, in Jack Finegan, Chronos, kairos, Christos: nativity and chronological studies, éd. Jerry Vardaman & Edwin M. Yamauchi, 1989, p. 136.
  27. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, Livre XVIII, V, 1..
  28. Pierre Geoltrain, Aux origines du christianisme, Paris, Gallimard et le Monde de la Bible, "Folio", 2000, p. XV-XVI.
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  30. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Schwentzel 2011, p.217
  31. Eisenman 2012 vol. II, p. 22.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]


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